L’ETHIQUE DE L'EMSAVER

Yann-Ber TILLENON

L’éthique est cette partie de la philosophie, donc du "druidisme", qui s’intéresse à la morale et à ses fondements : la vie humaine a-t-elle un sens ou est-elle absurde et aléatoire ? Existe-t-il des lois et des règles morales semblables pour tous les humains, c’est-à-dire universels ? Que signifient des notions comme “devoir ”, “vertu ”, “ bonté” ? Le bien et le mal existent-ils de manière fixe et objective ? S’interpénètrent-ils ? Qu’est-ce que la conscience morale ?

L’éthique provient du mot grec ethos, qui signifie “coutume ”, “ habitude ”, “ mœurs ” (mores en latin). Mais l’éthique, comme discipline philosophique, n’est pas seulement une réflexion sur les mœurs mais aussi sur la morale, c’est-à-dire de répondre à la question : quels sont les meilleurs mœurs possibles à adopter ?

Il me semble que la différence entre "éthique" et "morale" c’est la différence entre être et avoir ou, « paraître ». Cela réside dans le fait que l’éthique est ce qui est choisi de l'intérieur, librement, par l'individu, l'Être invisible.

Seul l’Être, spirituel, l’État (individuel ou collectif) permet la création, quand il est inspiré, quand il canalise l’esprit, le métaphysique. Il peut alors produire en disciplinant sa personnalité physique (territoire) et psychique (société). Elle est son « paraître » son « pays » individuel ou collectif, matériel. L’éthique c’est l’esthétique intérieure, comme l’esthétique est l’éthique extériorisée !...

La morale est je crois ce que devient l'éthique de l'Être intérieur, à l'extérieur, dans la société dans le « pays » visible. Être "Brezhon", "Emsaver", « combattant », est donc je pense un problème de choix éthique, de liberté de l'"Être" intérieur. Ce qui est en contradiction, aujourd’hui, avec l'aliénation de "Breizh", notre personnalité extérieure francisée en "Bretagne".

Notre personnalité est, en effet, francisée, désarticulée, entre une société française et un esprit breton. Ce qui donne la « Bretagne ». Elle doit donc être bretonnisée, libérée, réarticulée, dans une société "brezhon". C’est-à-dire une société bretonnante de création sans plus de contradiction entre l’Être et le « paraître », entre l’ « État » et le pays. Ce nouveau pays est actuellement réduit à l'Emsav qui doit s'étendre pour remplacer "Bretagne" par "Breizh".

Il n’y a de liberté que dans l'acte de produire, de créer ce qui n'existe pas, c‘est la « civilisation ». Elle deviendra plus tard "culture" ou "tradition". Il ne s’agit donc pas de garder en conserve, enfermé, ce qui existe déjà , le capital, la « culture » qui a été « civilisation » autrefois. Ceci passe donc, bien sûr, en ce qui nous concerne, par la création en breton moderne d'un germe de pays (territoire plus société) et d'État bretonnant appelé à se développer.

L’emsaver est un homme libre, donc un autodidacte. Il n’est pas formaté par le système français en place. C'est un "self-made-man" comme on dit aujourd'hui en français!... Il est formé dans les quatre étages visibles de la personnalité individuelle et collective, du pays (territoire et société): 1) « politique » (le juste) , 2) « théologique » (le bon) ; 3) « artistique » ( le beau), 4) « scientifique » (le vrai).

C’est donc un philosophe, qui, étant formé sur ces quatre étages peut être "accompli" et atteindre le cinquième étage, la cinquième branche du pentacle, l'étoile à 5 branches (le centre de la croix druidique). C'est l’État philosophique, (Le Bien), l’État de la renaissance, de « Breizh ». Il doit remplacer l’État de la décadence, de « Bretagne ».

Aristote, dans ses écrits où il utilise le terme d’éthique, insiste autant sur la description des mœurs, la compréhension de leurs causes et des lois qui les déterminent que sur l’art de bien vivre (donc d’être heureux) et la pratique de faire le bien. Socrate procède avec la même démarche, et les Stoïciens s’en inspireront, ainsi que les Romains Marc-Aurèle et Cicéron.

Dans cette philosophie classique grecque, il ne s’agit absolument pas de définir une sorte de code moral universel mais de définir un comportement cohérent avec sa propre personnalité. L’éthique insiste donc sur la responsabilité individuelle, sur l’exercice de la volonté, sur le combat contre les passions qui nous dominent (à différencier des enthousiasmes positifs, sources d’action – passion venant du verbe latin patiri, “souffrir”, “subir”) sur l’élévation de l’homme dans le domaine de la conscience et de la sagesse.

Quant à la partie de l’éthique qui traite de la morale, elle vise à la fois la sphère privée et la sphère publique, afin de rendre harmonieuse la vie en société. L’idéal de la « vie morale » est d’inciter à agir, dans l’existence privée comme dans la vie publique, en accord avec ses propres convictions et avec les engagements que l’on a pris. L’attitude philosophique prône le respect de soi, c’est-à-dire le respect de sa propre conscience, l’harmonie avec soi-même et l’impératif constant de progression, d’élévation dans cette harmonie. Cela suppose évidemment un combat contre soi-même et une certaine solitude, mais le but est de parvenir à entrer en relation avec son être intérieur. À réaliser au final la fusion entre son être extérieur et son être intérieur sans plus de contradiction.

La philosophie classique (occidentale ou orientale) vise à permettre à l’homme de mieux se connaître lui-même, de mieux se respecter lui-même et d’abolir cette schizophrénie sociale qui se remarque si souvent de nos jours, c’est-à-dire la dissociation entre la pensée et l’action. Réconcilier la pensée et l’action, c’est rétablir l’unité de l’individu (unité intérieure et cohérence comportementale) et donner à son existence une même direction. Afin de rendre l’adepte de la philosophie en harmonie avec lui-même, en paix avec lui-même, autonome et libre, conscient de tous ses actes et de ses choix, maître de son plan d’existence, responsable de lui-même comme de ses proches, assumant entièrement sa propre vie et son propre être.

La démarche philosophique ne vise donc pas seulement la connaissance, mais la pratique. Le philosophe n’est pas un “singe savant”, un intellectuel dans le mauvais sens du terme, mais un pratiquant. Essayer de comprendre l’idéal de l’“homme moral ”, de l’homme qui retrouve sa vie et sa dimension intérieures, est nécessaire mais insuffisant. Il faut aussi essayer de vivre concrètement cet idéal, d’atteindre cet objectif. La raison, en effet, ne peut pas admettre des principes qu’elle n’adopte pas concrètement dans la vie quotidienne.

L’Antiquité romaine, dans la foulée des Stoïciens, avait l’habitude de cette formule : primum vivere, deinde philosophare ( « d’abord vivre, ensuite philosopher »), ce qui signifie que les recherches et préceptes de la philosophie ne sont pas séparables d’un mode de vie et d’une pratique. La philosophie (et en particulier sa branche de l’Éthique) n’est donc pas une discipline abstraite et désincarnée, comme le croient tous ceux qui aujourd’hui s’intitulent philosophes, alors qu’ils ne sont que des donneurs de leçons, d’opinions.

Un “penseur” qui est en contradiction avec les concepts qu’il essaie de déterminer détruit par là sa propre pensée. Toute “philosophie“ qui n’est pas suivie par ses adeptes se révèle comme une imposture et s’autodétruit. Imaginons un homme qui aurait toute sa vie défendu une doctrine athée et aurait, à sa mort, demandé l’extrême-onction ou le secours d’une religion. Imaginons en un autre qui aurait prôné un système social d’égalité, de justice, de répartition et dont la doctrine aurait abouti à une République de satrapes. Imaginons un homme combattant toute sa vie pour l'enseignement d'une langue sans jamais l’avoir apprise lui-même!... Aucun n’aurait été un vrai philosophe. Car une pensée qui n’est pas applicable et appliquée par ses concepteurs et ses adeptes ne mérite pas le nom de philosophie.

La philosophie vise aussi à donner un sens aux actes de la vie, en permettant de comprendre leurs motivations et leur finalité, et de ne pas agir de manière erratique. Le but de la philosophie est de rendre les hommes à la fois “ plus présents au monde ”, mais aussi, paradoxalement, “plus détachés du monde ”, c’est-à-dire en communication avec une réalité intérieure et cosmique, à la fois donc des hommes immanents et transcendants.

Grâce à la pratique de la philosophie, la vie n’est plus ce parcours erratique de survie, dans un espace-temps désespérant qui s’écoule lentement vers le néant d’une mort incompréhensible, mais elle devient une présence maîtrisée : c’est-à-dire qu’elle se transforme en une route cohérente, avec une pensée qui guide et un engagement de tous les instants en faveur d’un idéal. La philosophie est un anti-nihilisme. C’est pourquoi tous les penseurs de l’absurdité de la vie humaine – comme Clément Rosset ou Cioran par exemple – ne peuvent pas être qualifiés de philosophes.

La vie, vécue sous l’empreinte de la philosophie, retrouve un sens, une joie. Elle grandit celui qui s’y adonne, elle le régénère jour après jour. Les affres de l’égoïsme, de l’angoisse, de la peur, des passions dévastatrices, de l’ignorance de soi-même et des autres peuvent ainsi être écartés. Bien plus que la psychanalyse ou les anti-dépresseurs, l’attitude philosophique, la pratique philosophique permettent de retrouver un équilibre et une cohérence intérieures. La philosophie – et sa branche éthique en premier lieu – est une voie, difficile, certes, de délivrance, d’action et de connaissance. Délivrance de ses démons intérieurs. Action en vue de son propre accomplissement, c’est-à-dire devenir ce qu’on est au plus profond de soi-même. Connaissance des autres et du monde.

En ce sens, il n’est pas exagéré de dire que la philosophie est aussi une thérapie.

Au fameux adage grec, repris par Socrate, Gnôti séauton (« connais-toi, toi-même»), il faut ajouter cet impératif posé par toute la philosophie hellénique : construire l’homme idéal, le kalos k’agathos (« beau et bon », en traduction littérale), c’est-à-dire en harmonie de corps et d’esprit, en harmonie avec lui-même et les autres, délivré des passions (toujours incohérentes) , mais s’adonnant aux ardeurs de la création (toujours cohérentes).

À l’inverse de l’animal, l’homme, par sa conscience, n’est pas soumis au flux vital, il peut en être l’acteur. Du moins, il peut participer à la créativité générale du cosmos en orientant sa vie vers un but, ce que ne peut pas l’animal. Mais la majorité des humains en restent à un stade de vie inconsciente.