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RÉPONSE À: L’échec de Jean-MariNE Le Pen : le phare et la sirène


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le : 27. 04. 2007 [23:31]
Yann-Ber TILLENON
Yann-Ber TILLENON
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Merci pour cette analyse. Je ne pense pas, personnellement, que l’échec du FN soit surtout un résultat d’erreurs stratégiques. C’est, à mon avis, le résultat global d’un contexte historique. L’échec du mouvement nationaliste, indépendantiste français, comme celui de tous les mouvements nationalistes en Europe de l’ouest, est très intéressant d’un point de vue socio-historique. Je pense que tout s’est joué depuis 1945. Les nouveaux dominés, les nouveaux “colonisés” sont américanisés et suicidaires.

On ne peut rien faire pour quelqu’un, ou pour un peuple qui a envie de disparaître, de mourir en sortant de l’histoire. Il y arrive tôt ou tard. On ne peut pas forcer les gens à vivre malgré eux. J’ai encore un copain breton qui était suicidaire et “soigné” depuis des années... Il a finit par s’immoler dans sa voiture la semaine dernière!...

Il est très emblématique pour moi de remarquer qu’il se passe en France, depuis la fin de la seconde guerre mondiale, par rapport aux USA (via “Sarko l’Américain” aujourd’hui), ce qui s’est passé en Bretagne par rapport à la France depuis la fin de la première guerre mondiale, en 1918. Les Bretons voulaient être Français pour s’intégrer au monde moderne industriel. Ils voulaient abandonner leur monde traditionnel, leurs racines. Le mouvement nationaliste breton qui s’ opposait à la francisation fut balayé d’un revers de mains par l’histoire!...

Les Français veulent s’intégrer à la société mondialiste cosmopolite américaine de l’”american way of life” qui les aliène depuis 1945... C’est le “complexe du colonisé” devenu un classique de l’analyse sociologique moderne. la mentalité du colonisé a été très bien analysée, autrefois, par Albert MEMMI dans « Portrait du colonisé et portrait du colonisateur ». Elle l’a aussi été par Frantz FANON dans « Peau noir masque blanc » et toute l’école d’ethnopsychiatrie de Georges DEVEREUX. Elle l’est encore aujourd’hui par l’ethnopsychiatre Tobbie NATHAN. Ce dernier explique pourquoi les hôpitaux psychiatriques sont remplis de déracinés, immigrés ou pas!...

L'immense majorité (matérialiste) des dominés cherche toujours, pour s’élever socialement, à imiter le dominant. Elle ne suit pas la minorité d’idéalistes “ringards” qui voudrait la libérer de ce dominant!

L’idéal philosophique européen renaît à l’est. Nos frères de l’Europe de l’est n’ont pas subit la même castration mentale, même s’ils ont subit un incroyable bourrage de crâne. Ils ne sont pas aussi complexés et dégénérés qu’ici. Le soleil se lève à l’est! Notre avenir est là-bas!...

La guerre de libération engendrera la nécessité d’une société alternative. C’est là, à mon avis que nous pouvons intervenir concrètement dans l'histoire, dans le monde, mais d’abord en Europe. Car c’est d’Europe, je crois, que partira le mouvement de libération du mondialisme cosmopolite décadent qui détruit la planète et ses peuples!

Les Russes traduisent “Europe” par “monde blanc”. Je leur ai dit dans mon intervention en juin 2006 à Moscou que ce n’était pas tout à fait juste. Moi je constate que les « Blancs » se sont surtout montrés habiles pour se détruire entre eux jusqu’à présent, mais incapables de construire l’Europe.

La déesse “Europe” a été nommée ainsi par les anciens Grecs. “Eur” vient de “gour” en sanskrit. Cela veut dire “grand”, comme dans “gourou”, “grand maître”, « Her-acles », « Heros » etc…. “Ope” veut dire “oeil”. On le retrouve en français dans “optique”. “Europe” est ainsi la déesse aux grands yeux. C’est l’archétype des « visionnaires », de la “supervision”. C’est donc un concept philosophique et non pas un concept uniquement anthropologique.

L’Europe est, pour moi, une construction politique fédérale qui se réalisera avec les meilleurs, l’élite. Ils seront les « visionnaires » de l’avenir de l’humanité, ainsi, les plus compétents. Ils seront de ce fait les « très savants » donc étymologiquement, les « philosophes » ou « druides » en celtique. Ceci quelles que soient leurs origines, comme les frontières, que nous ne connaissons pas pour le moment. On verra bien ! C’est l’histoire qui se prononcera. Et mort aux cons !...



Yann-Ber TILLENON.

L’échec de Jean-MariNE Le Pen : le phare et la sirène
(Ébauche d’analyse)



1. Un contexte politico électoral très favorable.


Rarement le contexte politico électoral n’avait été aussi favorable à Jean-Marie Le Pen qu’à l’élection présidentielle du 22 avril 2007 :

- d’abord par la grande visibilité de ses thématiques traditionnelles et l’impossibilité pour l’opinion d’évacuer de ses préoccupations les problèmes d’immigration et d’insécurité ; d’autant plus que le souvenir des émeutes de l’automne 2005 a été ravivé par les violences de la gare du Nord du 27 mars et celles de la foire du trône, le 9 avril, directement attribuables aux bandes ethniques ;
- ensuite, parce que Jean-Marie Le Pen a bénéficié d’une très bonne couverture médiatique : à la différence de 1988, 1995 ou 2002, il a constamment été présenté, à juste titre d’ailleurs, comme l’un des quatre finalistes possible du second tour,
- enfin parce que le « vote utile », à droite en tout cas, n’avait pas de raison technique d’exister puisque la qualification pour le 2e tour de Nicolas Sarkozy était présentée comme certaine ; un vote Le Pen au premier tour ne risquait pas de priver l’électeur de sa capacité d’arbitrer le 2e tour en faveur de son premier ou deuxième choix ;


2. Un échec manifeste


Non seulement Jean-Marie Le Pen n’accède pas au deuxième tour mais il doit se contenter de la quatrième place sans faire le plein des voix de son courant (19,3% avec Bruno Mégret qui l’avait rejoint) ni même de ses voix personnelles (16,9%)[1] <mhtml:mid://00000345/#_ftn1> .
Cet échec s’explique sans doute par des causes profondes tenant à la fois au démantèlement de tout appareil militant de relai entre la direction du Front National et les électeurs et aussi à une certaine lassitude de ces derniers (sur le thème du à quoi bon ?).
Mais cet échec est aussi et peut-être surtout la conséquence de choix stratégiques, inspirées par Marine Le Pen. Erreurs stratégiques dont les deux principales ont été de tout baser sur la séduction des médias tout en ménageant Nicolas Sarkozy sur le fond.


3. 1re erreur stratégique : avoir cherché avant tout à plaire aux médias.


La « directrice stratégique » de la campagne de Jean-Marie Le Pen, sa fille Marine, a imposé une ligne claire à la campagne : se dédiaboliser en se banalisant ; plaire aux médias en normalisant le discours par rapport à l’idéologie dominante. Ainsi le lieu symbolique habituel de lancement de campagne (en 1988, 1995, 2002) le Mont Saint-Michel a été délaissé au profit de Valmy : lieu républicain abstrait où fut prononcé un discours classique sur la République et la nation comme tous les dirigeants politiques peuvent en tenir. Puis l’affiche clé de la campagne, représenta une beurette libérée. La justification qu’apporta Marine Le Pen de ce choix iconographique fut la suivante : « la candidature de rassemblement du peuple français débarrassé de ses spécificités ethniques, religieuses et même politiques, c’est la candidature de Jean-Marie Le Pen ». Mais en quoi un peuple français débarrassé de toute spécificité aurait il encore besoin d’une candidature Le Pen ? Dans la défense d’une France républicaine purement abstraite d’autres que lui sont à la fois plus crédibles et plus performants. Enfin le dernier « coup » de la campagne se passa sur la dalle d’Argenteuil où Jean-Marie Le Pen expliqua devant un parterre de femmes voilées que les Beurs et les Africains étaient « des branches de l’arbre France ». Discours que Bayrou, Royal ou Sarkozy auraient pu eux aussi tout aussi bien tenir.
Reconnaissons à cet ensemble de choix le mérite de la cohérence : viser à rallier le Front National à la conception aujourd’hui dominante d’une nation française ouverte au monde et désincarnée à laquelle on appartiendrait par simple localisation géographique et adhésion idéologique minimaliste ; conception qui se heurte pourtant à cette double réalité que sont la persistance des problèmes de banlieues et l’échec des politiques d’intégration
Jean-Marie Le Pen a longtemps ironisé sur ses concurrents qui le copiaient affirmant que les électeurs préfèrent toujours l’original à la copie. Cette fois c’est Jean-MariNE Le Pen qui a copié les autres …que les électeurs ont finalement préférés.


4. 2e erreur stratégique : restreindre socialement et géographiquement la cible électorale.


Jean-Marie Le Pen et le Front National ont longtemps tenu un discours global s’adressant à toutes les catégories de la population. Et leur électorat, quoiqu’on en pense, a toujours été divers sociologiquement : Neuilly et Nanterre donnant souvent des scores comparables ! Or sous l’influence du brillant essayiste marxiste, le très séduisant Alain Soral, Marine Le Pen a poussé à la gauchisation du discours et à la recherche préférentielle du vote des « banlieues ». Or les banlieues ne sont pas un bon réservoir de voix pour le Front National : parce que les Français qui souffrent le plus de l’excès d’immigration en sont partis ; parce que même s’il y a des Français d’origine immigrée qui votent pour le FN, ceux-ci restent très minoritaires ; enfin parce que les bénéficiaires de la société d’assistance, quand ils votent, le font plutôt pour les partis de gauche qui les clientélisent. A contrario certains accents de démagogie ouvriériste ont pu contribuer à écarter des travailleurs sensibles à l’évocation de la valeur travail par Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal. Notons d’ailleurs au passage que sociologiquement la classe ouvrière est en voie de disparition et que les catégories socioprofessionnelles en voie d’expansion sont celles des employés et des professions intermédiaires qui ne sont pas sensibles à la même liturgie idéologique et politique. L’analyse en termes de classes n’est pas forcément toujours dénuée de sens : encore faut-il qu’elle soit actualisée !


5. 3e erreur stratégique : ménager Nicolas Sarkozy.


Jean-Marie Le Pen a donc donné l’impression d’abandonner ses thèmes de prédilection au moment même où ses principaux adversaires s’en emparait au moins dans la forme : Ségolène Royal lançant à Vitrolles une campagne de rassemblement « du social et du national » puis revendiquant Jeanne d’Arc, le drapeau tricolore et la Marseillaise ; Nicolas Sarkozy présentant sa visite au Mont Saint-Michel comme un temps fort de sa campagne avant de préconiser la création d’ « un ministère de l’immigration et de l’identité nationale ».
Or si le leader du Front National a attaqué Ségolène Royal sur le registre un peu machiste de Bécassine, il a ménagé Nicolas Sarkozy, allant jusqu’à faire un pas de deux avec le président de l’UMP et laissant même entendre que des ententes avec lui seraient possibles…ce qui revenait à autoriser ses électeurs, à voter pour lui dès le 1e tour !
Nicolas Sarkozy a tiré un avantage considérable de cette attitude ambigüe : se voir épargner toute critique un peu charpentée de son bilan et toute dénonciation de ses contradictions et de ses postures. A partir de là l’ancien ministre de l’intérieur qui a dénoncé « la racaille » et qui a subi des attaques fortement diabolisantes de ses adversaires a pu devenir pour certains électeurs du Front National une option de vote intéressante fondée sur l’hypothèse que Sarkozy ferait demain ce que Chirac l’avait empêché de faire hier…alors que de toute façon, Le Pen ne serait pas en capacité d’agir. En ménageant Nicolas Sarkozy, les dirigeants du Front National ont déroulé pour lui le tapis rouge du « vote utile ».
Jean-Marie Le Pen a d’ailleurs senti grossir le danger dans les derniers jours de la campagne et a choisi tardivement d’attaquer Nicolas Sarkozy moins sur sa politique d’ailleurs que sur ses origines hongroises et grecques au risque de passer pour incohérent après avoir expliqué et répété que les Français issus de l’immigration (arabe et africaine) étaient des Français comme les autres !


6. 4e erreur stratégique : la quasi-absence de toute campagne de terrain.


Historiquement le Front National a toujours existé sur deux registres : le registre du terrain à travers son appareil militant ; le registre des médias à travers la présence charismatique de son président. Aujourd’hui l’appareil conduit et construit par Jean-Pierre Stirbois, Bruno Mégret et Carl Lang a quasiment disparu. Certains ont pu croire un temps que l’ « Union patriotique » permettrait de recoller des morceaux d’appareil aujourd’hui épars et de faire revivre un certain enthousiasme militant.
Marine Le Pen y a vu — à juste titre d’ailleurs de son point de vue — un danger pour sa stratégie de normalisation médiatique : car on est moins libre de sa parole lorsqu’on a autour de soi un grand nombre d’hommes et de femmes engagés que lorsqu’on est seul.
D’où la multiplication des propos blessants vis-à-vis de ceux qui étaient prêts à se rallier et une attitude générale assez méprisante vis-à-vis des cadres et élus du Front National. Comme si l’engueulade était la seule forme de commandement envisageable.
Ces choix et ses comportements ont finalement été lourds de conséquence.
D’abord parce qu’ils ont conduit à aller toujours plus loin dans le sens d’un discours qui plaisait davantage aux élites des salles de rédaction que dans les profondeurs de l’opinion. Ce qui a fini par commencer à être perçu par certains électeurs.
Ensuite parce qu’ils ont contribué à décourager les dernières bonnes volontés qui auraient pu relayer la campagne lepéniste sur le terrain traditionnel mais aussi et surtout sur Internet.
Or dans une campagne marquée par l’incertitude, ce sont les actions individuelles des convaincus auprès de leurs parents ou amis qui font basculer les indécis.


7. 5e erreur stratégique : le faible intérêt porté aux nouvelles technologies.


Internet, vecteur nouveau et fort est loin d’avoir pris dans la campagne de Jean-Marie Le Pen la même ampleur que dans celle de Ségolène Royal (qui a beaucoup misé sur son blog desirdavenir.org et sur ses bloggeurs) ou de Nicolas Sarkozy (qui n’a pas hésité à faire harceler les internautes de messages en sa faveur).
Cette faiblesse de la campagne Internet de Jean-Marie Le Pen s’explique doublement.
D’abord les pesanteurs sociologiques et administratives du Front National comme les intérêts des grands barons chargés des grandes manifestations et de la propagande ont conduit à effectuer des arbitrages financiers davantage en faveur des méthodes habituelles que des méthodes nouvelles. L’usage du mèlbombing ou de youtube a donc été marginal. Par ailleurs et c’est sans doute là l’essentiel : Internet est un outil décentralisé et militant animé par des faiseurs d’opinion qui n’agissent que s’ils sont motivés. Or la centralisation médiatique de la campagne était plutôt démobilisante alors même que le choix des thèmes et des symboles mis en avant ne pouvait que susciter le trouble dans les rangs des bloggeurs nationaux ou identitaires. Marine Le Pen, qui a déjà enregistré un score très médiocre aux élections régionales d’Ile-de-France qu’elle a conduite en 2004, ignore manifestement que la première règle d’une élection, surtout au 1e tour, c’est d’abord la mobilisation de ses partisans !

8. Le Front National : du phare à la sirène ?


L’échec de Jean-Marie Le Pen va ré ouvrir les spéculations sur sa succession. Aux yeux des médias qui influencent l’opinion, la cause paraitra entendue : Marine Le Pen aurait fait mieux que son père. Or c’est un paradoxe car c’est justement sa stratégie, suivie de bout en bout, qui explique le médiocre résultat obtenu. Encore convient il de noter qu’indépendamment des stratégies suivies par les candidats ; il y a une grande inertie des phénomènes, politiques et électoraux. C’est pour cela que le score n’est pas encore pire que celui finalement observé : le poids et la vitesse acquise dans les élections antérieures expliquent que la casse a été limitée. Malgré les fautes stratégiques de sa fille, l’hystérésis électorale a joué en faveur de Jean-Marie Le Pen.
Quoiqu’il en soit, dans le casting médiatico‑politique de demain, l’établissement dirigeant a déjà dévolu à Marine Le Pen son rôle : faire progresser l’idéologie dominante dans le secteur de l’opinion qui lui est restée le plus rétif, c'est-à-dire les sympathisants et les électeurs du Front National.
Avec ses qualités et ses défauts, avec son tempérament, Jean-Marie Le Pen a longtemps joué sur la partie la plus nationale de l’opinion, et même au-delà, le rôle d’un phare : point de référence pour les uns, point d’éclairage pour les autres. Au point que chacun reconnaît aujourd’hui, comme Fabius il y a plus de vingt ans, qu’il a posé de « vrais problèmes ».
Aujourd’hui sa fille Marine est en passe de lui ravir la vedette : elle plait beaucoup…à ceux qui ne votent pas Front National, et qui vont l’aider à jouer le rôle pour lequel ils la destinent, celui de la sirène dont la petite musique trompeuse précipite les marins sur les récifs.