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Un monotheisme : la France


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le : 10. 05. 2007 [19:25]
Yann-Ber TILLENON
Yann-Ber TILLENON
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Novembre 2005. Pendant que les banlieues françaises s’embrasent, le premier ministre De Villepin puis le président Chirac, expliquent officiellement à des hexagons et à une presse étrangère ébahie, que les « jeunes » de banlieue qui brûlent des voitures le font parce qu’ils sont frustrés de ne pas avoir de travail : ils le ressentent comme une discrimination, et le gouvernement fera en sorte – grâce à une série de mesures anti-discriminatoires - que ces « jeunes » accèdent à une vie normative : travail, intégration et consommation . Les dirigeants du « pays des droits de l’homme »,en faisant fi des origines ethniques et religieuses des jeunes casseurs et meurtriers - de bretons expatriés - adoptent une grille d’analyse marxiste : les pauvres des quartiers défavorisés se révoltent pour acquérir une vie matérielle satisfaisante. Dans le monde entier, les faits sont relatés comme des émeutes ethniques de forte intensité. Quelques mois plus tard, un communiste révolutionnaire est élu en Bolivie : ses premiers voyages à l’étranger sont les pays suivants : Venezuela, Cuba, France et Chine. En cette année 2006, aucun observateur objectif ne peut oublier ce fait : sur la scène internationale comme sur le théâtre intérieur, l’état français a muté en entité marxiste..


Les mutations au sein du Royaume de France ( 1180-1789 )


Le 26 août 1458, Charles VII réunit la noblesse du Royaume à Vendôme. Or, depuis Philippe Ier, Louis VI le Gros, et surtout Philippe Auguste, les Rois capétiens tentent de restaurer l’ex Francia occidentalis du traité de partition de 843 ( l’empire carolingien est divisé à Verdun en trois territoires pour trois héritiers: Lotharingie, Francia occidentalis et orientalis ). Pour ce, le pouvoir royal prend l’habitude de contrer la noblesse féodale en la dépouillant de ses prérogatives politiques : sa stratégie est de récupérer les droits et les devoirs de la classe noble, tout en la laissant conserver et même accroître ses immunités pécuniaires. En ce jour de 1458, Charles VII fait de la classe guerrière une classe subordonnée, privilégiée financièrement et sans devoirs de protection envers la population locale qui la nourrit. Cette stratégie de pouvoir induit deux phénomènes sans équivalence alors en Europe : une concentration du pouvoir préfigurant à la fois l’absolutisme, la centralisation administrative et le jacobinisme, et la transformation de la classe guerrière de la tradition indo européenne en caste parasitaire. L’équilibre trifonctionnel ancestral est alors rompu : les contestations paysannes et ouvrières se feront toujours plus sévères et fortement réprimées en France qu’ailleurs ; c’est une des raisons de la Révolution de 1789 qui se passe en France et nulle part ailleurs. Cet équilibre imposait à la classe guerrière la protection physique et morale des classes sacerdotale et productrice : le premier des guerriers, le rex/rix/roi, apportait en conséquence fécondité symbolique et fertilité à son territoire et à la population y vivant. Chacun de ses vassaux reproduisait le même schéma au niveau inférieur. Charles VII oblige la noblesse à s’éloigner de l’équilibrage millénaire des droits et devoirs réciproques des classes guerrière et productrice : la prima nocte n’apparaît plus comme un acte de protection magique mais comme un abus de position ; les péages et les impôts ne sont plus contribution à l’effort de stabilisation armée du pays mais racket ; les décisions, les discours, le comportement des nobles s’éloignent de la sacralité guerrière pour tendre vers l’abus de pouvoir et le caprice… seule, la petite noblesse reproduit dans certaines régions le schéma traditionnel de protection rapprochée et de solidarité clanique : dans ces endroits, la paysannerie protégera la noblesse de la folie sanguinaire de la grande révolution, car elle comprend l’équilibre antique qui les lie.

En ce jour, Charles VII scinde sciemment la classe guerrière en deux : le roi et le reste de la noblesse. Ce faisant, n’ayant pas le poids numérique ni symbolique mais annexant la position stratégique, Charles VII amorce une nouvelle dynamique géométrique : celle de la gravitation autour du point central de sa personne. Là où les Celtes prévoyants exigeaient un trône à deux têtes ( le druide et le roi ) , là où les indo européens structuraient un pouvoir double militaro-spirituel ( Charlemagne et Turpin ), le roi des francs déshabille la tradition et son schéma multidirectionnel et institue la nouvelle logique gravitationnelle, et une nouvelle mécanique : celle de l’état central. Ce dernier agit comme un immense impluvium qui recueille et draine les forces du pays vers le point focal qu’est le siège royal. En réalité, Charles VII et ses descendants seront obligés d’édifier cette structure dont les contraintes sont centripètes pour contrer les velléités centrifuges des aristocrates et des contrées culturellement différentes de leur France. Au départ stratégie d’hommes d’état, cette structure va s’étoffer, va évoluer avec le temps vers un système : un système dans toute la plénitude de sa définition physique, avec ses rouages froids, son inertie mécanique, son sens et sa direction implacables. D’ailleurs l’état français fut-il seulement a un moment un Etat-organisme et non pas un Etat-machine, puisqu’on voit que cette seconde orientation a été prise de suite ? Dès Vendôme, Charles VII pose les bases par nécessité du modèle mécaniciste de la théorie de l’Etat du rationalisme juridique. C’est à ce modèle que s’opposeront vivement les tenants allemands de l’Ecole Historique du Droit ( Stahl, Von Savigny, Rehberg ou G.Hugo ) en récusant le contrat social, et en regrettant que les hommes n’y soient vus que comme moyens, que comme rouages. Pour résumer, voici la première séquence historique issue de Vendôme :


Bipolarisation de la classe guerrière Création d’un champ politique de confinement Maturation de ce champ en système Etat-Machine


En neutralisant la noblesse, le roi français se coupe cette fois ci involontairement d’une autre tradition. Toujours dans le cadre guerrier, cette tradition est le rôle prééminent stratégiquement et physiquement des nobles sur les champs de bataille. Contrairement aux idées reçues, et ce à l’exception des combats inter civilisationnels, les champs de bataille laissaient peu de cadavres, peu de paysans mourraient, et la mort de chevaliers emblématiques suffisait pour déterminer l’issue du combat. En agrandissant son influence et son autorité, le roi augmente le besoin en hommes pour mener ses guerres, et une conscription de grande ampleur s’instaure peu à peu : ce ne sont plus les fils des nobles qui partent guerroyer, ce sont les paysans qui s’en vont défendre les intérêts d’un roi éloigné de leur paroisse. Le rôle du roi s’est inversé : au lieu d’offrir sa protection, il oblige la population de la classe productrice à défendre sa position. Le schéma trifonctionnel s’est disloqué, les vents de l’histoire s’y engouffreront : après les boucheries de Louis XIV, celles de Napoléon s’annoncent, et c’est le paysan, l’ouvrier, le marin, et même le prêtre qui se retrouveront en ce même Verdun, en Lotharingie, au milieu des obus, dans des tranchées pour satisfaire l’idéologie et la logique d’Etats Nations qui ont définitivement oublié le vieil ordre trifonctionnel et le rôle d’une classe guerrière démembrée.
Ce glissement est visualisable par cette séquence synthétique :

Equilibre pré Vendôme Déséquilibre post Vendôme


Classe guerrière Roi/Etat Noblesse


Classe sacerdotale Classe productrice classe sacerdotale classe productrice


Tocqueville émet l’hypothèse comme quoi l’Ancien régime, en consolidant le pouvoir de l’Etat, en affaiblissant les institutions intermédiaires, a jeté les bases de la révolution et de l’identification de l’Etat en tant que forme la plus élevée de la raison. Sorel précisera plus tard que « la structure la plus élevée de la politique et de la pensée moderne repose sur les douteuses innovations du temps de l’absolutisme ». Il ajoute que « l’esprit cartésien, l’idée de droits absolus en matière de propriété, la théorie du despotisme éclairé entretiennent une affinité avec l’idée de progrès : l’ornementation de l’esprit, qui libre du préjugé, sûr de lui même, et ayant foi dans le futur (…) crée une philosophie assurant le bonheur de tous ceux qui possèdent les moyens de mener une vie méritant d’être vécue. » Dans la ligne du lit de justice de Charles VII, les aristocrates français, voyant que le « vieux rêve de surabondance » semble devenir une réalité ( du moins dans la haute société ! ), « monnayent leurs bribes de pouvoir contre les délices clinquants, fiévreux de la cour du Roi soleil » ( Lasch). Privés des charges et des devoirs civiques, les nobles se tournent sans modération vers le plaisir immédiat, le luxe, la joie éphémère et futile de la consommation, la fuite loin des obligations de la fonction guerrière et de leur passé héroïque ; leur attitude préfigure l’actuel culte de la consommation et de la richesse matérielle, et l’actuelle irresponsabilité politique et philosophique. Enfin Sorel conclut : « à l’aube des temps modernes, quiconque ayant quelque autorité aspirait à se libérer des responsabilités que des conventions archaïques, des coutumes et la moralité chrétienne avaient imposées aux maîtres pour le bénéfice du faible ». Lasch renchérira en écrivant que l’idée de progrès fournit la justification théorétique à l’abrogation des obligations réciproques dans une société traditionnelle à la fin XVIIIème. Etudiant les changements de régime dans les cités grecques, à Byzance et à Rome, Evola va plus loin : « l’absolutisme est un mirage fugace, il prépare la démagogie, la montée du peuple, du démos, jusqu’au trône profané » et il remarque que lorsque la monarchie est sécularisée, elle devient un totalitarisme jacobin, marxiste, fasciste ou nazi. L’absolutisme de Louis XIV a amené la révolution française, mais ce paramètre est à conjuguer avec un autre : le Christianisme est la religion de la sortie de la religion.

Pour résumer nous proposons cette séquence historique :

Stratégie royale → Concentration du pouvoir → Absolutisme → Sécularisation de l’Etat central

Perte du sens de l’aristocratie française → Classe parasite → Révolte du Tiers Etat

De la providence chrétienne à la providence marxiste

L’idée de progression sociale linéaire de l’humanité, l’idée de progrès, est, si on lit certains auteurs, une forme séculière de la vision linéaire du christianisme et de la croyance en la Providence. En rupture avec la vision païenne d’une histoire cyclique, ou spiralée ou orphique, le christianisme apporte à l’Europe et au monde méditerranéen une ligne simple et définie du sens de l’histoire : la chute de l’Homme, la venue de la Bonne Nouvelle, l’ultime Rédemption. Becker note que ce n’est pas un hasard si « la croyance dans le progrès et un souci de postérité se sont développés au fur et à mesure que la croyance en la Providence et une préoccupation pour l’au-delà déclinaient ». Lasch résume : « la croyance dans le progrès est une compensation que l’homme a trouvée pour se consoler de la perte de la croyance en la providence ». Pour être objectif comme Blumenberg, la révolte qui a eu lieu au XVIIème contre l’enseignement des arts classiques, et l’évolution technique – celui ci semble démontrer que la savoir s’accumule de manière irréversible - sont les deux autres facteurs de la croyance en le progrès, en plus de l’eschatologie chrétienne. Ce type de mutation aura un écho particulier dans un pays christianisé au point de se sentir le défendeur de l’Eglise : rôle de Charlemagne, de Napoléon III, croisades franques partant de Francia – départ de Clermont pour la première et rassemblement à Paris,deuxième croisade prêchée par Saint Bernard et dirigée par Louis VII, troisième co-menée par Philippe Auguste, septième dirigée par Saint Louis, huitième organisée par Charles Ier d’Anjou et Saint Louis - , royaumes francs et dynastie franques des Etats latins d’Orient. Le royaume de France, la Sœur Aînée de l’Eglise, se transforme naturellement en une entité ultra progressiste, méprisant finalement l’architecture du passé. Cohn l’a étudié à propos des mouvements messianiques de la fin du moyen âge : l’énergie spirituelle passe d’une croyance en une apocalypse chrétienne à une apocalypse de la lutte finale et décisive qui amènera une justice absolue et un contentement parfait mais les structures de propagation et de militantisme restent similaires. Bref, la structure mentale chrétienne de la France l’amène à adopter, face à l’Absolutisme royal et la Technique, une attitude toujours messianique, toujours universelle mais cette fois ci progressiste : la Ville Céleste de Montesquieu et Rousseau remplace la Cité de Dieu de Saint Augustin pour finalement mieux annoncer Das Kapital de Marx et Engels. Le Grand Soir suit l’Apocalypse.

Providence chrétienne → Sécularisation → Mythe du progrès
Lois de l’évangile → Sécularisation → Droits de l’Homme

En France s’élabore une autre idée de l’Etat : la convergence de la confiscation des pouvoirs, d’une centralisation étatique absolue, et d’une équation Providence chrétienne = mythe linéaire du Progrès, fait naître l’idée de l’Etat-Providence. L’Etat prend le rôle de l’Eglise : c’est l’état qui va pourvoir au bien être, cette fois ci matériel, de l’individu ; c’est à l’état qu’on adresse ses requêtes et c’est l’Etat qui dispose et juge ce qui est bon pour ses ouailles. Tout le mécanisme dit « démocratique » suit en France cet itinéraire : l’Etat est le grand dispensateur et on se met sous sa protection pour obtenir un bienfait social ou le maintien de ce dernier. La crise du CPE l’a encore montré : le gouvernement était critiqué mais l’Etat pris en témoin et prié de protéger les individus. Cette idée d’Etat-Providence, toujours appliquée, et toujours plus appliquée en France qu’ailleurs, va devenir un paradigme français, préfigurant l’état soviétique et la rhétorique marxiste.

Centralisation de l’Etat Mythe de la Providence
↓ ↓
Sécularisation de l’Etat Mythe du Progrès
↓ ↓
Mythe de l’Etat Providence


Elaboration d’un nationalisme collectiviste ( XVIIème et XVIIIème )

A la fin du moyen âge s’était formée une certaine identité française conçue comme loyauté envers le Roi dans le cadre de la suzeraineté-vassalité - non comme critère proprement identitaire. Quelques siècles plus tard, à la mort de Louis XIV, et après l’épisode de l’absolutisme, la noblesse escompte reprendre les libertés que le Roi Soleil lui avait ôtées durant son règne : elle s’oppose aux ingérences des agents de Louis XV puis de Louis XVI. Cela, d’autant plus légitimement que les guerres fort longues entreprises sous le règne du premier, avait laissé le royaume exsangue et incapable de défendre ses colonies au Labrador, au Canada, en Louisiane et en Inde. La France laisse l’Angleterre rayonner.
La noblesse entend alors redonner un statut international à la France et s’affirmer face à la couronne : pour résoudre ces deux problèmes en une seule solution, elle veut copier les réformes intérieures anglaises. Ce faisant, elle veut obtenir les caractères civiques ( ascension sociale au sein de l’Etat ), individualistes et la méritocratie inhérente au nationalisme anglais. D’où l’anglomanie des philosophes des Lumières et de la noblesse au cours du XVIIIème. Pourtant la Noblesse échoue et n’obtient rien de ces réformes. Les aristocrates échouant individuellement, cette Noblesse s’appuie sur la bourgeoisie : les deux prônent un soulèvement général et un certain collectivisme qui rejette la méthode individuelle anglaise. Le nationalisme français collectiviste est né : en réaction à un nationalisme anglais qui ne peut s’appliquer en France, et en réaction à l’absolutisme. Pour la première fois de l’histoire après Jésus Christ, pendant la révolution française, un Etat affirme le collectivisme et ouvre le chemin au Communisme.
Le collectivisme amène à considérer un territoire donné sur lequel s’exprimer, et y briser toute réalité rendant difficile l’application de ce collectivisme, et donc y briser toute hétérogénéité. La première hétérogénéité rencontrée est ethnique et paysagère : on détruira donc les peuples et les paysages : noyades collectives (France sans culotte), utilisation des fours crématoires (France sans culotte) et des fosses communes ( Russie bolchevique ), génocides vendéen (France sans culotte) et ukrainien (Russie bolchevique), déplacements de populations (Staline) et transformation physique des populations (culte français du métissage). Pour la transformation du paysage et l’idéologie la sous tendant, se référer au War Raok ! 18 : la dette environnementale de la France envers la Bretagne ( partie II). Ce collectivisme induit également une notion d’égalitarisme qu’on étudiera plus loin et dont on recherchera les sources dans le christianisme antique.

La naissance des Apparatchiks français : un modèle pour les soviétiques

Alors qu’Aristote développe une idée de Monarchie divine, il l’accompagne d’une vision démocratique : la démocratie s’incarne par le pouvoir partagé et le refus de la confiscation des pouvoirs afin d’éviter la tyrannie. Platon propose lui de créer une élite apte à garantir au peuple les valeurs de la démocratie. Dans ces conceptions différentes s’ébauche le clivage fédéralisme/subsidiarité/individualisme ( Aristote ) face à un centralisme/élitisme/collectivisme ( Platon ). Ces réflexions traversent les siècles jusqu’aux Lumières du XVIIIème. Le clivage réapparaît lorsque le club des Jacobins délivre un message platonicien ( « nous prônons la prise en main du destin par une élite éclairée pour garantir les libertés collectives ») alors que le parti aristotélicien des Girondins y oppose un fédéralisme et la défense des libertés individuelles contre le pouvoir étatique pour assurer le bonheur collectif. La France fera son choix : les girondins sont massacrés comme un siècle plus tard les mencheviks par les bolcheviks, car accusés de diviser le corpus national avec le fédéralisme. La République s’appuie également sur l’exemple des expériences impériales françaises - missi de l’Empire Carolingien, agents du Roi Soleil – pour créer un corps de fonctionnaires dont s’inspirera Lénine pour ses commissaires politiques. L’entité française applique le même type de stratégie : juges et tribunaux révolutionnaires pendant la révolution, création d’écoles type - Polytechnique, les Ecoles Normales et l’ENA - pour encadrer la vie civile et les techniciens, embrigadement de la jeunesse avec les hussards de la république, création de journaux puis de chaînes TV pour distiller l’idéologie française, création du CNRS pour orienter la recherche scientifique. La Russie soviétique suivra la même et exacte méthodologie, avec l’absence de concession qui caractérise le peuple russe : tribunaux révolutionnaires, formations contrôlées par le Parti, embrigadement dès le plus jeune âge, organe de presse unique et contrôlé par le Parti, science d’Etat et lyssenkisme. Elle mettra en place une nouvelle classe inspirée du modèle français : les apparatchiks qui monopoliseront 50% du revenu national alors qu’ils représentent 12% de la population ( Durnham ), tout comme le fonctionnariat français qui surimpose fiscalement le peuple français pour financer l’immense machinerie étatique jusqu’à faire disparaître la classe moyenne en ce début de XXIème siècle.

Pour conclure cet aspect, nous vous proposons une autre séquence :

Vision platonicienne → Jacobinisme → création d’une élite fonctionnaire → hypertrophie de l’élite → Parasitisme fonctionnaire français et soviétique

Egalité, Egalité, Egalité

Du bac à 90% à la citoyenneté de masse, de l’indifférenciation de l’individu face à la police, la justice et les instances dirigeantes au refus de la sélection, il faudrait un livre pour décrire honnêtement le dogme français de l’égalitarisme. Alors que l’idée bretonne et qu’une dialectique de l’emsav s’articulent autour du droit à la différence, et de la préservation de la biodiversité culturelle – l’ethnodiversité, l’idée française est fondée sur un axiome : nous sommes tous égaux. Cet axiome, hérité d’un christianisme antique et d’une perversion de la pensée platonicienne, est devenu le thème de la libération à partir de 1789 : la liberté de l’individu ne s’accomplit qu’accompagnée de l’avènement de l’égalité entre toutes les composantes de l’espace social ; de plus, cette stricte égalité est le corollaire du collectivisme. Avec l’élaboration d’un messianisme français ( la protection des minorités opprimées en Europe, le devoir d’éducation des peuples non européens, la colonisation comme vecteur de propagation des valeurs universelles venant de France ) le thème de l’égalité mute en mythème à la fin du XXe siècle : sous la bannière des droits de l’homme, aucune race, aucune frontière, aucun différentiel culturel ne peuvent s’opposer à la stricte égalité entre les hommes de la planète. Pour mieux servir cette certitude, la France élabore une stratégie guerrière mais efficace : la lutte contre tous les nationalismes vivaces ( Israël, Serbie, Russie, Inde, Japon , Inde, Etats Unis ) avec comme arme rhétorique la reductio ad hitlerum, et comme arme tactique le soutien à leurs ennemis ( Palestine, Hezbollah, Bosnie, Tchétchénie, monde islamique ) ; la lutte contre les différences raciales avec la promotion hystérique du postulat de Coppens ( nous venons tous d’Afrique orientale ), avec le laboratoire de métissage qu’est devenu l’hexagone, et la captation des flux migratoires pour fabriquer l’homme indifférencié ( le métis ) ; la lutte contre les particularismes culturels intra et extra muros qui s’opposeront un jour ou l’autre au contrat social consensuel et désincarné d’inspiration rousseauiste proposé par la France ; la lutte contre les différences de classe ( élimination de la noblesse, mise au rebus de la classe sacerdotale ) afin qu’il ne subsiste qu’une masse de producteurs. D’autre part, il faut comprendre que ce choix égalitaire est aussi le refus de la hiérarchie : dans une société holiste, la valorisation de la hiérarchie induit une priorité au corps social et l’abandon du tout individuel ; et dans une société individualiste, l’égalité en tant que dogme connote que la diversité des fonctions et des rôles et donc des conditions et des dons s’efface devant l’idée d’identité de nature entre individus. Bref, plutôt l’atomisation du troupeau que la structuration d’une entité.

Cette idée fixe, et l’énergie qui s’y déploie, ne sont pas arrivées ex nihilo. Bien au contraire on connaît les rouages de la genèse de cette idéologie puisant fond dogmatique et extériorisation arrogante et violente dans le christianisme élaboré au cours de l’Antiquité, au bord de la Méditerranée. Et on s’apercevra que l’idée française est à la fois le relais entre le christianisme et le marxisme, et le produit de l’évolution post marxiste et post chrétienne.
La première étape se déroule dans le désert à l’intérieur des communautés juives : la religion juive se construit face à l’adversité de grosses civilisations – Babylone, l’Egypte- et son prophétisme prend un caractère universel et une forme ultra agressive. Le champ sémantique du massacre, de l’égorgement, de la vengeance, de la punition physique, de la torture s’épanouit dans les psaumes, le livre des prophètes et le livre d’Enoch. Le prophétisme développé est issu d’une conception du monde bipolaire : le pauvre, juste, lutte contre le riche, méchant, et triomphe. L’idéal de ce prophétisme est social : l’égalité des biens et des ressources, la mise en commun des richesses, la destruction des possédants : « le fils de l’homme fera lever les Rois et les puissants de leurs couches, et les forts de leurs sièges, il renversera les rois de leurs trônes…les ténèbres seront leurs demeures et les vers leur couche » ( Livre d’Enoch).
Le deuxième étape est au sein de l’Eglise primitive : l’esprit égalitaire dirige les communautés évangéliques qui oeuvrent dans l’ombre des cités romaines, parmi les laissés pour compte de la société, puis qui noyautent les strates socialement élevées par l’intermédiaire des esclaves chrétiens. Les membres des communautés mettent en commun leurs biens, la foi transcende les notions de race et de classe ( Athénagore, Aristide, Justin, Lactance ), tandis que Saint Jean Chrysostome théorise la propriété privée comme fruit d’un péché – crime ou vol-, que Saint Cyprien et Saint Grégoire affirment l’égalité comme statut initial et naturel de l’homme que la société a altéré, que Saint Jacques dans son épître redéfinit la grille d’analyse bipolaire: coupable car riche et bientôt torturé en enfer/élu car pauvre et bientôt s’élevant dans la gloire du Jugement Dernier. Saint Augustin décrit à ce moment une Cité de Dieu où les principes égalitaires sont strictement appliqués .
La troisième étape est inséparable des phénomènes de protestation dans une Europe moderne mais en proie aux tensions économiques du XVe et XVIe. Dans le contexte d’un retour aux sources radical, John Ball s’appuie sur les Actes des Apôtres et les textes de Saint Ambroise et de Saint Jacques pour soutenir et légitimer les révoltes des paysans face aux gentilshommes anglais (1381) : l’égalité est un état naturel que la venue du méchant a perturbée ; la révolte et la disparition des seigneurs et des possédants vont dans un sens divin de retour à l’état primordial ( « Quand Adam bêchait et qu’Eve filait, où donc était le gentilhomme ? » ). John Ball se situait dans une filiation qui commence avec deux hommes nés riches et contemporains : François d’Assise et Pierre de Vaux ( ou Valdez ou Valdo ). Ces derniers réunissaient des communautés, les franciscains et les humiliés ( ou vaudois ), et commandaient le dénuement comme mode de vie pour se rapprocher du Seigneur. Ces deux eurent des destins opposés, l’un fut canonisé l’autre persécuté, et une partie de leurs héritiers directs brûlés par l’Inquisition ou exécutés, mais leur message est arrivé jusqu’à Vatican II (« pour une église pauvre et servante » du Père Congar ) et à la théologie de la Libération par l’intermédiaire de John Ball et de bien d’autres millénaristes égalitaires comme Jan Milic. Ce prédicateur appelait une société égalitaire qui serait la projection d’une Jérusalem communautaire et égalitaire sur Terre. Mort en 1374 à Kromeriz, il fut le père spirituel de Jan Hus (1371-1415) qui condamna le culte des saints, demanda la nationalisation des biens du clergé, la suppression de la hiérarchie et des indulgences pontificales, et annonça une communauté de Saints à l’image des adamites qui vivaient nus en Bohême suite au message de Pierre de Vaux. Le martyre de Hus déclencha un mouvement de protestation violent : le mouvement hussite. Les plus radicaux, les Taborites, constituèrent une commune populaire comprenant le Sud de la Bohême, en référence au Mont Thabor où Jésus fut transfiguré et où les tribus d’Israël se réfugièrent : ils professaient la redécouverte du bonheur par l’abolition de l’autorité et de la propriété, l’exécution des nobles et des chevaliers, l’extension par la guerre de leur modèle (« Les Fils de Dieu passeront sur le corps des Rois, et tous leurs royaumes qui sont sous le ciel leur seront donnés »). Toujours en Allemagne, lorsque Luther tenta une réforme en douceur lors de la guerre des paysans en utilisant la position de la noblesse allemande face à Rome, il fut dépassé par un autre moine, Thomas Müntzer, qui proclama un Royaume du Christ « tout aussi communiste qu’évangélique » ( Odon Vallet ) : le malheur est prédit au riche, le partage des biens est recommandé. Encore plus radical, Jan de Leyde, chef des anabaptistes et grand père des baptistes, roi autoproclamé de Sion, établit un micro-état anarchiste où la virginité était interdite et la polygamie obligatoire. Au XVIe siècle à Genève, Calvin va plus loin que la suppression du sacerdoce et la contestation du pape luthériennes : il refuse l’eucharistie et le hiérarchie épiscopale. Ce faisant, il précipite la venue d’une contestation encore plus rude, celle de Servet, théologien espagnol, niant la Trinité, dont les conséquences flirtent avec l’athéisme. Odon Vallet fait la comparaison entre un Robespierre « tourné sur sa gauche par le communiste Babeuf et sa Société des Egaux » et Calvin : « tous les deux durent imposer un régime de terreur car c’est en contestant le pouvoir qu’on doit punir les révoltes et en côtoyant le vide qu’on a besoin de garde-fous ». Bien après Engels, Albert Camus remarquera la parenté entre un christianisme revenant aux sources et les mouvements utopistes du XVIIIe et XIXe siècle : « les révolutionnaires ont vécu comme les premiers Chrétiens dans l’attente de la fin du monde et de la parousie d’un Christ prolétarien », le camarade charpentier.
La quatrième étape est donc la sécularisation de ces mouvements de contestation égalitaire, socialiste et évangélique en mouvements de contestation égalitaire, socialiste et universelle. Universelle, car « l’idée moderne de l’égalité est sous tendue par une représentation universaliste de l’humanité » ( P. Raynaud ). Cette sécularisation en socialisme post chrétien va mûrir et expérimenter en France.

Naissance du socialisme moderne dans la matrice française

Socialisme est un terme qu’utilise le moine Facchinei en 1766 à propos de la doctrine de ceux qui croient à l’origine d’une société d’hommes libres, égaux et liés par un contrat : en 1761 Rousseau a envoyé le manuscrit du Contrat Social qui va être imprimé à Amsterdam. Il serait intéressant de synthétiser ce qui va s’ensuivre par un tableau synoptique peut être plus lisible à ce stade de l’article :

XVIIIe Rousseau (Dicours sur l’origine de l’inégalité, Discours sur les Arts, Le Contrat social ) + Morelly ( Jésus comme personnification de l’idéal égalitaire ) + Association of all classes of all nations de R. Owen = politique des Enragés de 1793 ( Varlet, Roux alias le Curé Rouge, Châlier, Leclerc : les productions de la Terre appartiennent à tout le monde ) , Dolivier ( Loi agraire de 1793 : destruction des grands corps de ferme en autant de petites exploitations rurales que de noyaux familiaux, début de l’idée de kolkhozes ) , Lange ( fin de la propriété individuelle rurale) , Saint Just ( Institutions Républicaines : dévêtir les riches pour habiller les pauvres ), la Conjuration des Egaux ( Babeuf et Maréchal : Le Manifeste des Egaux, aspirant à une autre Révolution dépassant la révolution de 1789 : la terre n’appartient à personne , les fruits sont à tout le monde, c’est la communauté des biens ou le bien commun )

Passage du communisme primitif pour lequel la richesse est signe de mal, à un socialisme gestionnaire du potentiel de richesse et contrôleur de la logique individualiste bourgeoise au XIXe.

XIXe Doctrine Saint-simonienne Positivisme de Comte 1851-1854 Société positiviste Internationale de Corra en 1906 Keufer, cofondateur de la CGT

Leroux « lutte des prolétaires contre la bourgeoisie « + Fourrierisme + dialectique hegelienne Engels , Marx « Manifeste du parti communiste » Leninisme, Trotskysme et Boukharine / Kautsky

Organicisme hegelien + volonté marxiste = socialisme moral de Jaures social démocratie

Ce tableau synthétique démontre l’imbrication évidente entre l’élaboration de l’idéologie française et le socialisme orthodoxe ou réformiste. Croire un seul instant qu’on puisse être de droite et nationaliste français relève du plus grand écart. Les bretons de breiz savent désormais que le salut ne peut venir d’une « gauche » bretonne biberonnée aux droits de l’homme et à la social démocratie. Par ailleurs il n’y a pas de salut à attendre de l’extérieur : l’homme breton doit chercher au fond de ses propres traditions, de ses racines celtes et indo européennes, la force vitale, l’intuition, l’intelligence et le savoir pour déraciner les rhizomes asphyxiants de l’hydre française, et de l’hydre gauchiste.



Pourquoi la France est-elle donc marxiste ? Parce qu’elle a trop lu Platon, parce que sa classe guerrière s’est divisée et a trahi son rôle, parce qu’elle était trop chrétienne, et que son christianisme a dégénéré. Sa devise n’a jamais été Liberté, Egalité, Fraternité mais plutôt Collectivisme, Egalitarisme, Universalisme. Dans la suite de notre article, nous verrons une idéologie française qui se drape des caractères propres à un monothéisme. Car on ne peut appréhender la politique intérieure et extérieure française que si on comprend bien que cet état croit dur comme fer à sa mission messianique, qu’il est foncièrement violent et que son totalitarisme est idéologique . Son idéologie est un prêt à penser qui a valeur de voie. Une voie qu’il croit mener à un vague paradis où il n’y a ni guerre, ni race, ni différence, ni envie, ni colère, ni jalousie, ni riche, ni pauvre. Un paradis qui a la forme d’un hexagone.