FATOU BARRÉ : LES FEMMES EN SOMALIE

En août 2004, un magazine pour les femmes a été lancé à Mogadishu, en Somalie. Cette publication, baptisée "Marwo, dont la traduction littérale veut dire femmes, est la première de ce type dans le pays. Il y a trois mois, le Réseau des Journalistes somaliens a créé une division spéciale, consacrée exclusivement aux journalistes de sexe féminin.

Aile des Femmes offrira des séminaires de formation et des ateliers sur la gestion des médias et les compétences journalistiques. Ces développements pourraient être le signe d’un changement de perception du rôle des femmes dans les médias dans un pays traditionnellement opposé à leur participation.

Aujourd'hui, un tiers des journalistes en Somalie sont des femmes. Aucune de ces journalistes, toutefois, n'occupe un poste de cadre dirigeant. En Somalie, les femmes essaient de mettre un pied dans la porte et d’accéder à des postes de direction, mais c’est extrêmement difficile sans la formation et l'éducation nécessaires pour assumer de telles fonctions.

L’idée que les femmes nont pas les compétences professionnelles requises pour occuper des fonctions de direction nest pas sans fondement, car elles n’ont pratiquement pas eu jusqu ici accès à la formation ou à l'éducation. Aujourd'hui encore, 95 pour cent des femmes en Somalie sont illettrées, souligne Mohamed Ibrahim Isak, le secrétaire général par intérim du Réseau des Journalistes somaliens.

Cest ce qui explique le lancement en décembre 2004 de lAile des Femmes. Actuellement ce département, qui est dirigé par Nasror Ali Arus, un radio diffuseur, ne compte que quatre journalistes. Selon Isak, on trouve environ 80 femmes journalistes qui travaillent à Mogadishu.

Bien que le programme de formation de 2005 n’ai pas encore été finalisé, lAile encouragera les journalistes de sexe féminin à participer à des cours en gestion comme la communication commerciale, et à participer au programme des Médias pour la Démocratie du Réseau des Journalistes, et à un certain nombre d’ateliers organisés la Fédération Internationale des Journalistes.

Isak pense que la Somalie a fait des progrès allant dans le sens dune meilleure participation des femmes dans les médias : Les temps changent en Somalie. Auparavant, les familles étaient contre le fait quon entende leur fille à la radio.

Pareillement, il était très difficile pour les femmes de mener des enquêtes car les personnes interrogées étaient généralement moins réceptives aux femme qu'aux hommes. Si on envoyait une femme interviewer un homme, ce dernier avait tendance à considérer cela comme une insulte envers sa position ou son niveau hiérarchique, explique Isak.

On relève également ces tendances ailleurs qu’en Somalie. Nancy J Adler, un professeur d'université canadienne qui a étudié les femmes aux postes de direction dans les médias, écrit : Les pays du monde entier, la plupart pour la première fois, se tournent vers les femmes pour assumer des rôles de direction, plutôt que vers la cohorte traditionnelle des hommes. Les gens veulent du changement.

Ils espèrent et imaginent que les femmes auront une approche plus large et plus compatissante du leadership. Comme les femmes ne sont pas liées par des traditions rigides, elles se sentent libres exprimer à la fois le courage et lhumilité. Le fait quelles occupent généralement une position avantageuse en dehors des circuits hiérarchiques les rend libres d’appliquer des méthodes vraiment originales.

En conduisant l'entreprise de l'intérieur, les femmes découvrent la valeur de l'inclusion et de l'établissement de liens. Elles les encouragent en offrant des programmes qui permettent le développement des personnes avec lesquelles elles travaillent.

Elles s'attaquent volontiers aux problèmes en préparant les dirigeants actuels et futurs, en favorisant la diversité, en sélectionnant les meilleurs éléments, en gérant les connaissances collectives et en réduisant le coût de l'apprentissage. De tels liens de collaboration permettent à l'entreprise de se développer dune manière efficace.

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Yann-Ber TILLENON. Kêrvreizh

Pourtant, il est encore loin d’être facile pour une femme de travailler dans les médias en Somalie. Un mari qui a entendu la voix de sa femme à la radio a demandé le divorce, alors qu ils avaient plusieurs enfants. Il a divorcé, a emmené les enfants et a pris une autre épouse. Cela s'est passé il y a six mois.

Cette journaliste continue de travailler aujourd'hui. Une autre journaliste, qui couvre les questions sociales pour un journal local, avait écrit un reportage sur la violence conjugale. Son mari ne comprenait pas pourquoi elle parlait des problèmes des autres, mais la journaliste elle se sentait obligée d’en parler car c'était son travail. Trois mois après, il a demandé le divorce, raconte Isak.

En lançant l’Aile des Femmes, le Réseau des Journalistes somaliens espère également faire comprendre à la société que les femmes font partie intégrante de la scène des médias. Il espère encourager les femmes qui travaillent pour les médias à adhérer au réseau pour perfectionner leurs propres connaissances et être mieux armées.

Nous avons lancé l’Aile pour établir des fondements qui permettront aux les femmes de participer à la scène des médias dans le pays. A lheure actuelle, il nexiste aucune autre organisation de ce type pour les femmes, précise Isak.

La seule publication qui fait exception à la règle générale selon laquelle les femmes n'ont pas encore atteint des niveaux directionnels dans les médias en Somalie est le magazine Marwo. Son rédacteur en chef est une femme, et ses 17 reporters, à l'exception dun seul, sont de sexe féminin également.

Ce magazine de 60 pages est le premier du genre en Somalie. Il couvre des sujets allant de la politique au sport, tout cela vu toutefois sous un angle féminin. Ce magazine, un mensuel, traite également de légalité des sexes et des stéréotypes. Tous ses employés sont bénévoles. Une organisation féminine locale couvre les frais d'impression du magazine. Ce dernier ne coûte que 10 000 shillings somaliens, soit l'équivalent de 7 centimes d'euros.

Isak est le seul employé masculin de ce magazine, qui est âgé de six mois : Un des objectifs du titre est de montrer qu'il est normal de travailler avec des femmes, tout comme avec des hommes, dans les médias. Il s'agit dun magazine très spécial, et je nai eu que des expériences très positives en travaillant là-bas, poursuit Isak. Il na pas non plus rencontré de réaction négative au fait quil participe à un magazine entièrement féminin. Les seules réactions que jai eues ont été des félicitations.

Cette théorie est également soutenue par Nancy J Adler at. Mc Gill Université, qui écrit : Les femmes dirigeantes sont différentes. Elles n'ont pas un désir de pouvoir en soi, mais souhaitent plutôt améliorer la société. La plupart d'entre elles sont intégrées par ceux qui perçoivent leur potentiel.

Et elles tendent à puiser leur soutien dans le public, pas dans la structure de pouvoir économique ou politique. On demande aux leaders d'aujourd'hui de faire plus avant moins de moyens. Pour répondre à ces nouvelles demandes, les rôles sur le lieu de travail évoluent, et les entreprises doivent s'ajuster pour rester concurrentielles. Cet environnement difficile ouvre la voie à un style de leadership féminin et, pour réussir, les entreprises doivent reconnaître cette nécessité et appeler les femmes à diriger.

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Yann-Ber TILLENON. Kêrvreizh