Le Docteur Fabrice Kondo parle de la tradition béninoise à Kêrvreizh

A Ouidah, on ne dit pas "qu'un python est mort" mais plutôt que la nuit est tombée.Cette expression qui figure dans la culture du décès d'un être humain, affectée à un python qui vient de mourir, met en exergue la place, le sens, et tout un symbolisme qui entoure l'histoire des peuples de Ouidah.

Situé au cœur de la ville, en face de la basilique de Ouidah, le temple des pythons demeure un lieu sacré et regorge d'histoires.

L'adoration du python a commencé juste après la guerre fratricide qui a opposé en 1717 le royaume de DANXOME et celui des HOUEDA, aujourd'hui Ouidah. Après la défaite des Houéda, le roi KPASSE se réfugia dans une grande forêt pour échapper aux braves guerriers de Ghézo dont la seule mission était de le capturer. Ils se lancèrent à sa trousse. Pour arrêter leur progression, des pythons fusaient de partout de la forêt. Les ennemis du roi KPASSE fuyèrent. Le roi vient d'être sauvé. Et depuis lors, le roi , en signe de reconnaissance, érigea trois cases dans la forêt et fait des pythons le totem des Houéda jusqu'à nos jours. Distinguons deux types de python:

Le python "séba" ou boa, qui mesure 8 à 12m de long est très venimeux et représente un danger permanent pour l'espèce humaine.

Le dernier python est celui royal. Il est inoffensif et est l'objet de culte des familles alliées à la grande famille ADJOVI-KPEHOUNTON de Ouidah.

Tous les 7 ans, a lieu dans le temple la grande fête pour les adeptes de python. C'est une fête au cours de laquelle 41 petites filles vierges vont chercher, à l'aide de petites jarres appelées "Gosin" en Fon, l'eau sacrée qui est ensuite recueillie dans une grande jarre pour des cérémonies de purification. L'autel de la divinité se trouve dans la plus grande des cases et sert de lieu d'invocations et de prière pour les maîtres de culte. Les deux dernières cases sont destinées pour les cérémonies de purification, d'exorcisme des mauvais esprits.

L'enterrement d'un python a lieu dans le temple à Ouidah et suit le même rituel, le même culte funèbre que chez les Hommes;rappelons-le, un python ne meurt pas à Ouidah. C'est que la nuit est tombée;

LA TOLÉRANTE VILLE

Fière de son histoire et de sa culture , la ville de OUIDAH se veut résolument plus proche de ses frères de la Diaspora. Et pourtant, mélangeant allègrement vaudou et catholicisme, tradition Béninoise et celle française, les populations ont su garder l'essentiel de leurs valeurs culturelles telles que la célébration du culte Shango, Hêbiosso, Ogou pour ne citer que ceux-là.

Le métissage culturel résultant de la rencontre ou du choc des cultures avec les pays occidentaux a orchestré le rayonnement du syncrétisme religieux à travers la présence, au cœur de la ville, la première Basilique du Bénin construite en face du temple des pythons. Cela témoigne fort bien de l’esprit d’acceptation des différences, le devoir de s’unir pour être UN, de la culture de la tolérance, seul gage de la réconciliation des esprits et des sagesses, facteur du développement. On n’a coutume de dire que le syncrétisme est à l’image du métissage ; que le métissage est la fusion de deux choses différentes pour en donner une plus belle. Ici à Ouidah, le concept de la tolérance est une réalité la cohabitation pacifique des religions peut en témoigner. Aujourd’hui dans les Etats du Nord du Nigeria, ce concept est bafoué et entraîne l’acceptation sans condition de la loi islamique en l’occurrence la Charria par la minorité non musulmane. De ce fait, les échanges tant culturelles et religieuses ne constituent pas une entrave pour le développement de la cité. Cette attitude des habitants donne lieu à la libre expression vers le Divin saisi dans sa totalité par la raison humaine. En un mot, Ouidah est l’illustration même de la démocratie dont le Bénin est l’inspirateur en Afrique.

Ouidah ! ! ! Toi qui a nourri le monde entier de tes seins. De tes enfants sortiront les vertus du consensus, de la consolidation des forces pour que cette jeunesse africaine ou mondiale sorte cette planète de l’injustice et du sous développement.

Que la gloire te revienne enfin !

FORET SACREE DE KPASSE

La forêt sacrée tire son origine du roi Kpassè alors fondateur du royaume houédah, aujourd’hui Ouidah. Il y venait régulièrement mener ses activités champêtres et repartait le soir à Savi, village situé à 14 km de Ouidah. En effet, il s’est fait beaucoup d’ennemis en signant avec les négriers des traités qui leur autorisaient le commerce esclavagiste.

Un jour, alors qu’il revenait du champ, il perdit connaissance dans cette forêt. Peu après, il rendit l’âme en se transformant, tenez- vous bien, en un iroko. Le paon, son animal messager prit la direction de Savi et alla se poser sur la case du roi. Après des cris, et reprit de nouveau la direction de la forêt. La population, surprise par tout ce symbolisme, suivit l’oiseau jusqu’à la forêt.

A leur arrivée, une voix se fit entendre à partir d’un petit canari situé à l’entrée de la forêt. C’est celle du roi Kpassè qui leur expliquait sa transformation en IROKO qui, jusqu’aujourd’hui demeure l’Arbre sacré. De nos jours le lieu rehausse l’histoire de la ville de Ouidah et est dénommé LA FORET SACREE DE KPASSE.

Jean Adjovi, ex- capitaine de l’armée française y voulut vivre. Très vite, il érigea une clôture et construit sa demeure. Les fantasmes, les cauchemars qu’il faisait et les mauvais esprits qui se manifestaient autour de lui la nuit l’ont fait partir de la forêt.

L’allure nécropole que la population a affectée à cette forêt renforça de plus son aspect sacré. En effet, les 57 familles qui sont alliées à la grande famille ADJOVI-Kpèhounton ne sont que les adeptes du culte relatif à l’IROKO et se distinguent facilement par des scarifications, des tatouages au visage. A leur mort, ils sont inhumés dans la forêt, la tête tournée vers la l’océan. Cinq ans après, les chefs de culte, en collaboration avec les membres de la famille, déterrent la tête du mort et la parent des plus beaux bijoux de la famille reterre de nouveau. Ce rituel est dénommé " mi do alisa " ; la tête, en langue Fon, est dénommée "ahisu".