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CONCEPTION TERNAIRE DE L'HOMME


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le : 24. 04. 2007 [02:09]
Yann-Ber TILLENON
Yann-Ber TILLENON
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La conception ternaire chez les Celtes et dans le monde.

Lors de précédentes interventions j'ai parlé de la conception ternaire de l'homme en philosophie. Ceci afin de définir notre rôle de bâtisseur de l'État breton. Tous les pays indépendants étant composés d'un territoire, d'une société et d'un État. Ce qui correspond au niveau physique, psychique et métaphysique pour un homme ou pour un peuple homogène.

Je crois que cela nécessite quelques précisions.

De la Chine de Lao Tseu ou Confucius à la Grèce classique, des civilisations précolombiennes à l'Egypte pharaonique, de la conception chamanique de Sibérie à l’église catholique, en passant par le monde celtique, nous trouvons un dénominateur commun, celui d'une constitution ternaire de l'homme, analogue à celle de l'univers.

Ces trois mondes sont le monde spirituel ou céleste, le monde matériel ou terrestre et un monde intermédiaire, symbolisé par l'atmosphère, reliant les deux précédents. L'homme est de ce fait considéré comme un « microcosme », un univers en miniature, possédant les mêmes structures que l'univers tout entier ou « macrocosme », parfaitement règlé en ordre mathématique.

Tout pays bien construit qui fonctionne harmonieusement reproduit cette harmonie cohérente de l'univers sur le plan individuel (homme) ou collectif (peuple). Sinon c'est le chaos, comme la France actuelle avec sa "Bretagne"...

LES TROIS MONDES: CIEL, TERRE ET MONDE INTERMEDIAIRE

Depuis la nuit des temps, tous les peuples s'interrogent sur leur origine. Dans la plupart des récits de création, l'univers apparaît comme une masse chaotique avant que le ciel ne soit séparé de la terre.

Ce n'est qu'à partir d'un certain moment que le chaos est rompu pour céder la place à un univers constitué de trois parties: l'une translucide et légère, le ciel, l'autre opaque et lourde, la terre et, entre les deux, l'atmosphère qui les relie et les sépare en même temps.

Cette genèse indique une notion fondamentale de la place de l'homme dans l'univers. L'idée a su faire son chemin depuis la plus haute Antiquité et persiste jusqu'à nos jours dans notre mentalité: l'homme se situe entre le ciel et la terre, entre l'espace infini des astres et l'environnement constitué de toutes les créatures existant sur notre planète. Par sa verticalité, il occupe une place charnière en participant au devenir de l'univers. La tête dans les étoiles, les pieds sur terre, l'homme doit relier en lui-même cette double nature, céleste et terrestre.

Le ciel est, comme nous venons de le voir avec l'allégorie de la Caverne de Platon, le monde immuable, atemporel, symbolisé par le Soleil, source permanente de chaleur, de lumière et de rayonnement. Le monde céleste est la demeure des étoiles qui orientent et guident l'homme qui sait les regarder. Il contient les grands principes ou lois de la nature, dans leur aspect le plus métaphysique. Il donne la perspective qui permet de voir de loin et de haut. Prendre de la hauteur permet en effet d'accéder à une vision globale

La terre s'oppose symboliquement au monde céleste, comme le principe passif au principe actif, l'obscurité à la lumière. Elle est le monde des reflets, des ombres du monde céleste. Dense, concrète, elle apporte la stabilité et la possibilité de concrétisation. Universellement, la terre est une matrice nourricière qui contient les sources fécondantes, les minerais, les métaux.

Entre ciel et terre, l'air représente le monde subtil intermédiaire. C'est le domaine des vents porteurs du souffle de l'expansion, nécessaire à l'existence de tous les êtres.


Cette conception ternaire est universelle. Le Trois exprime ainsi l'ordre intelligent dans le cosmos et dans l'homme. Les trois termes sont inséparables et se nécessitent réciproquement. D'une manière générale, des termes du ternaire, le premier est actif par excellence, le second est intermédiaire, actif par rapport au suivant, mais passif par rapport au précédent, alors que le troisième est strictement passif. Le premier correspond à l'esprit, le second à l'âme et le troisième au corps.

Cette vision ternaire semble simple; elle ouvre pourtant d'immenses perspectives pour la compréhension du fonctionnement humain et de sa complexité. La dualité « cartésienne» de l'esprit et du corps, qui s'est en quelque sorte imposée à toute la pensée occidentale moderne, ne saurait en effet rendre compte de la complexité humaine.

La vision ternaire, par contre, n'oblige pas à un choix entre deux natures opposées et irréconciliables, celle de l'esprit et celle de la matière; elle permet à chacun d'harmoniser en lui-même ces trois natures qui sont complémentaires.

Elle permet de vivre en soi le véritable circuit entre ces trois mondes, celui de l'incarnation de l'esprit dans la matière (ou en d'autres termes, concrétiser ses idées) mais aussi le parcours ascensionnel de la purification ou évolution de la matière vers l'esprit (par exemple, purifier ses passions et ses désirs). Découvrir l'unité ternaire qui est en soi, tel est le formidable message de cette vision qui n'a rien perdu de son actualité.

LES TROIS COMPOSANTS DE L'HOMME: KORF, ENE, SPERED ou SOMA, PSYCHE, NOüS

Le ternaire cosmique que nous venons de voir, ciel - terre- atmosphère se reflète dans l'homme. Les Grecs l'ont certainement hérité des Pythagoriciens, ou des druides eux même héritiers d'enseignements beaucoup plus anciens. Platon s'inspira de cette doctrine et développa la conception ternaire de l'homme, composé de noüs, psyché et soma.

Noüs est analogue au ciel; c'est le monde de l'esprit, (de L'État dans un pays) là où réside notre partie la plus atemporelle et céleste; psyché, analogue au monde intermédiaire de l'atmosphère, est l'âme médiatrice, (la société) et soma, associé à la terre, est le monde matériel et concret (le territoire).

L'AME HUMAINE, MEDIATRICE ENTRE L'ESPRIT ET LE CORPS

Pour nous faire comprendre le rôle tout particulier de l'âme humaine, Platon fait appel à une image, celle de l'attelage ailé. Notre âme est comme un attelage ailé: la raison correspond au conducteur du char, le courage au cheval impétueux mais obéissant et le désir (ou les appétits) au cheval capricieux ou rétif.

L'âme humaine est à l'image de cet attelage, un lieu de tensions, de tiraillements entre des parties qui entendent chacune la mener là où elles veulent.

L'âme (psyché) provient de la sphère du noüs, du divin et prend une forme corporelle. Elle est enfermée dans le corps. Platon exprime cela en deux mots: soma = sèma, c'est-à dire: le corps (soma) est une tombe (sèma) pour l'âme. Le but de la vie terrestre devient alors le retour de l'âme à son état originel.

L'âme, considérée comme prisonnière, peut être délivrée de son ignorance et de son aliénation au corps. Elle peut devenir semblable au divin, à noüs, puisqu'elle lui est apparentée en étant capable d'intelligence. Encore faut-il qu'elle ait le désir et le courage de s'engendrer véritablement comme âme: désir de vérité et puissance de penser. L'objet du désir du philosophe, ce n'est pas le salut, ni même le salut par la connaissance: c'est la pensée, le vrai.

La tâche philosophique de l'État devient désormais claire; c'est au sein de l'âme que le philosophe trouve le chemin de l'être, le chemin de son identité profonde.

Si la sagesse et le courage sont des vertus qui s'appliquent respectivement aux deux parties supérieures de l'âme, le conducteur et le cheval impétueux, les deux autres vertus prônées par Platon, la modération et la justice ou l'harmonie, sont des vertus de l'âme tout entière: la première, en tempérant chaque partie, leur permet de s'intégrer à la totalité, la seconde institue un ordre.

Jusqu'à nos jours, ces quatre vertus sont appelées les vertus cardinales. La justice règne lorsque toutes les parties de l'âme remplissent les devoirs et les activités qui leur incombent.

L'éducation peut transformer les tendances en vertus, modérer par la musique et fortifier par la gymnastique, en un mot humaniser. Car les vertus ne s'accordent pas spontanément, la modération et le courage sont même naturellement ennemies: l'une veut la paix à tout prix, et l'autre la guerre, et chaque sorte de vertueux croit incarner la totalité de la vertu.

Leur dissension est ruineuse, pour la cité comme pour l'âme. Le courage a besoin de se modérer pour ne pas tourner en férocité, la modération a besoin de courage si elle ne veut pas devenir lâcheté. L'homme doit donc s'éduquer à la vertu et croire à sa part divine.

Nous en trouvons une application directe chez Platon, avec la fameuse éducation fondée sur trois grandes disciplines: la gymnastique, la musique et la philosophie. Elles s'appliquent respectivement aux mondes physique, psychologique et spirituel. C'est par la pratique de la philosophie que l'âme se purifie, peut contempler l'essence des choses et accéder au monde des origines ou des principes ( les archétypes de Platon, le Juste, le Bon et le Beau).

La musique est, au sens large, l'art des neuf Muses menant à la perception de l'harmonie. Ces neuf Muses sont l'arithmétique, la géométrie, l'astronomie, l'histoire, la poésie, la parole, la rhétorique, la musique et le théâtre. Enfin, la gymnastique fait du corps un support adéquat pour vivre l'harmonie de l'esprit et de l'âme.