La Tradition, le Sacré, le Breton

par Yann-Ber TILLENON

Il est effectivement très important de rappeler comment, finalement, le " brezhoneg " interdit, détruit par un monde profane, matériel, est lié à la fonction du sacré, du spirituel. En effet, comment expliquer autrement la " Passion " de certains individus comme Pêr Denez, Guy Etienne et d'autres ? Ne sont-ils pas les " chevaliers " serviteurs depuis deux siècles, et surtout depuis les années 50, de la création et l'enseignement d'une langue à la fois archaïque et futuriste : le breton contemporain !

Ces hommes ont consacré leur vie à faire du breton une langue actuelle et à le professer. Ils l'ont fait évidemment en se battant contre la volonté de l'État Français faisant autorité en Bretagne puisque " Breizh " n'a plus son propre État " Brezhon ".

Les études sur la Tradition, effectuées depuis moins d'un siècle par les anthropologues et les historiens des religions comme Mircéa Eliade, Rudolf Otto, Gilbert Durand, révèlent que le Sacré est un élément dans la structure de la conscience. Ce n'est pas un stade dans l'histoire de cette conscience, comme le croyaient les successeurs d'Auguste Comte et autres matérialistes.

" Être ", ou plutôt devenir " Homme ", signifie donc “être religieux”. Être ou devenir " Homme Breton " pourrait bien signifier s'approprier religieusement notre langue sacrée, grâce aux fondateurs du breton contemporain. N'est-ce pas penser avec l'esprit de cette nouvelle langue d'état avec son état d'esprit particulier…

Les manifestations du Sacré à travers les rites, les mythes et les symboles permettent à la conscience de revivre des “situations paradoxales” fédéralistes. Le symbole a cette faculté de relier le concret à l'abstrait et donc de fédérer le physique au métaphysique : au contact de ce paradoxe harmonisé la conscience peut s'élargir, devenir inclusive et non dualiste. Il en va de même pour le mythe qui permet, dans le présent, de relier temps historique et temps sacré, temporel et atemporel. La fréquentation des mythes et des symboles procurent une véritable transformation intérieure, ou conversion, du chercheur étudiant.

Par le breton, nous pouvons redécouvrir le caractère sacré de la vie et de la nature, car il est à la fois racine et projet, ancrage historique et fécondation d'avenir. Il permet un retour à la Sagesse, sans effectuer pour autant un retour à l'idolâtrie.

Le " brezhoneg " est " archéo-futuriste ". Il permet un positionnement historique renouvelé : ré-enracinement dans l'histoire de "Breizh" par l'expression d'un Idéal "brezhon" atemporel. Ainsi peut s'opérer ce “retour au sacré” nécessaire à la production historique, l'union fertile de la Raison et de l'Imaginaire qui seule peut nourrir notre perspective d'avenir...