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DIGORADUR LE PELLETIER


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le : 24. 04. 2007 [02:18]
Yann-Ber TILLENON
Yann-Ber TILLENON
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«Une langue... ne peut manquer de périr pour toujours, si on vient à cesser de la parler. Et cela ne peut beaucoup tarder, le François étant déjà la langue vulgaire non seulement dans les villes, mais aussi dans les bourgs, bourgades, passages et auberges, de sorte que l’on n’entend presque plus le Breton que dans les villages et aux foires où les païsans portent leurs denrées. Ceux-ci se voiant méprisez pour leur ignorance de la langue dominante, et n’étant plus en âge de l’apprendre, envoient leurs enfans servir chez ceux qui la parlent, et même outre leurs services, paient encore une pension modique, quand ils ont le moien. Les plus aisez envoient leurs garçons au collège et les filles dans les communautez Religieuses; où les disciplines aussi bien que les maîtres travaillent de concert à ôter de la mémoire de cette jeunesse tout ce qu’elle avoit appris de sa langue maternelle en demeurant au village parmi leurs parens. Quand ces jeunes gens reviennent au logis les parens et voisins, qui les entendent parl er, bien ou mal, le langage des villes et de la noblesse, s’efforcent de les imiter, plus mal que bien, et les écoliers de leur costé voulant parler leur première langue dont ils ont oublié la plus grande partie, y suppléent par des paroles Françoises, terminées à la Bretonne. Il deviennent quelquefois Prêtres, Prédicateurs, Confesseurs, Missionnaires et ne parlent en ces fonctions, qu’un langage corrompu ; entende qui pourra ».

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Préface au Dictionnaire de la langue bretonne (extraits), de Dom Louis Le Pelletier, né au Mans, religieux bénédictin de la congrégation de Saint Maur, manuscrit de 1716 (Bibliothèque Municipale de Rennes). Dictionnaire publié en 1752 avec l’aide financière des États de Bretagne.