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Des philosophes chez les barbares.


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le : 24. 04. 2007 [02:47]
Yann-Ber TILLENON
Yann-Ber TILLENON
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Il est tout à fait emblématique que dans la société chrétienne laïque actuelle des "droits de l'homme" , comme dans son État "catholaïque", les journalistes, comme tout le monde, n'arrivent pas à raisonner en dehors des schémas qui les ont formatés dans cette religion.
François Dufay traduit le titre de l'excellent livre de Jean-louis Brunaux: "Des philosophes chez les barbares", par: "Les druides, ces jésuites de l'antiquité"!!! il est impensable pour ce chrétien journaliste (jésuite?) qu'un maître de philosophie, donc un druide ne puisse pas être un curé, un jésuite! Ce qui est grotesque! Les druides sont les "énarques" dans “l'État”, selon mon Prof Georges Pinault (Goulven Pennaod) à l'université de Lyon 3 ou des "Maîtres de philosophie" selon mon prof Léon Fleuriot à l'EPHS à la sorbonne!... ce qui est la même chose! Les prêtres celtes étaient dans la “société”. Ils étaient les "Bellec", serviteurs du Dieu "Bel".... Il est d'ailleurs amusant de constater qu'n breton l'église a continuer à utiliser le terme "Bellec" pour désigner les prêtres catholiques!

Celtes
Les druides, ces jésuites de l'Antiquité

Ni bardes ni magiciens, les druides étaient des théologiens, des intellectuels aux savoirs multiples, promoteurs d'une unité spirituelle entre les Celtes. Dans un livre à paraître au Seuil ce 31 août, Jean-Louis Brunaux, archéologue et chercheur au CNRS, rétablit leur passionnante histoire. Loin, très loin de Panoramix.

Propos recueillis par François Dufay

Le Point : Les Français de 2006 se représentent les druides comme des vieillards drapés de blanc qui cueillent du gui au fond d'une forêt impénétrable... Qu'y a-t-il de vrai dans cette image d'Epinal ?

Jean-Louis Brunaux : Pas grand-chose ! Certes, le port d'une robe, ou plutôt d'une toge blanche, est confirmé par les auteurs antiques : comme dans les civilisations méditerranéennes, ce vêtement distinguait les sages. La cueillette du gui ? Ce n'était qu'une des activités des druides parmi d'autres. Quant à la forêt gauloise, c'est un mythe : les photos aériennes ou l'étude des pollens montrent que la couverture forestière, il y a 2 000 ans, était moins étendue qu'aujourd'hui !

Quand et pourquoi les druides sont-ils apparus ?

C'est la grande question ! Selon moi, le druidisme a émergé dès l'âge du bronze, à la fin du IIe millénaire avant J.-C. ou au début du Ier. Au départ, les rois celtes, comme ceux de l'ancienne Rome, avaient des fonctions sacerdotales. Mais de plus en plus, sur des questions graves qui engageaient le sort de leur communauté - par exemple, le moment propice pour déclencher une guerre -, ils ont fait appel à des spécialistes de la divination, issus de la classe aristocratique, qui observaient la position des astres. Le même phénomène s'est produit dans d'autres sociétés indo-européennes, notamment avec les mages de Perse.

Connaît-on la signification du mot « druide » ?

Oui. Ce terme apparaît dès la fin du Ve siècle chez des auteurs grecs. Il ne s'agit pas d'une appellation tardive ou d'un sobriquet, mais bien du nom que les intéressés se donnaient eux-mêmes. « Druide » vient de dru, qui en langue celtique signifie « chêne », et de uid, mot en rapport avec le latin « videre », qui signifie « voir ». A partir de là, deux écoles se sont affrontées : l'une traduit « druide » par « les savants par l'arbre », l'autre les « très savants », c'est-à-dire ceux dont le savoir est aussi solide, ferme qu'un arbre.

Mais en quoi sont-ils savants ?

Les druides sont distincts des bardes (ou chantres sacrés) et des vates (ou sacrificateurs et devins). Ce sont en fait des théologiens, mais nullement des intellectuels éthérés ! Leur domaine est celui d'une philosophie appliquée. Ils connaissent les sciences de la nature, mais ils élaborent aussi des Constitutions politiques comme celle des Eduens, peuple qui occupait le Morvan. Ils forment une confrérie d'initiés. Ils sont un peu les jésuites de leur époque ! Les Grecs les ont d'ailleurs assimilés à la secte des pythagoriciens, les seuls philosophes antiques à avoir influé sur le pouvoir politique, avec lesquels les druides partagent des idées sur la réincarnation. Il est tout à fait envisageable que les Gaulois, qui ont envahi la Grande Grèce au Ve siècle, soient entrés en contact avec des élèves de Pythagore.

Les Grecs ont été en contact avec les druides ?

Bien sûr. Notamment Posidonios d'Apamée, l'une de nos principales sources sur les Gaulois. Originaire de Rhodes, cet homme d'une vaste culture et d'une ouverture d'esprit incroyable a voyagé à travers le sud de la Gaule entre les années 101 et 91 avant J.-C. Il ne s'est sans doute pas contenté de visiter l'arrière-pays de Marseille, mais est allé jusqu'à Toulouse et - comme il est l'auteur de la première théorie exacte sur les marées - je pense qu'il a même poussé jusqu'à l'estuaire de la Gironde. Un demi-siècle plus tard, Jules César, dans ses « Commentaires de la guerre des Gaules », ne fera que le recopier, en le manipulant.
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Pagan
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Date : 05/09/2006 à 01h50
Posidonios tenait certainement ses informations sur les croyances celtiques de la bouche même des druides. Il brosse le tableau d'une société très structurée, très philhellène, où les druides ont la fonction de savants, de gardiens de la morale, d'éducateurs de la jeunesse et de garants de la justice. Il est vrai que Posidonios, en quête d'un âge d'or qu'il cherchait dans une société primitive, a peut-être un peu embelli les choses.

Vous-même, n'avez-vous pas tendance à faire des druides des « philosophes » à la grecque égarés chez les Barbares ?

Non. Comme celle des présocratiques, la philosophie druidique est un savoir universel incluant la métaphysique, les mathématiques, l'astronomie, la botanique, la géographie, la géologie... Loin d'être des magiciens répandant la superstition, ces intellectuels cherchent les causes premières des choses, sous forme d'une pensée qui commence à revendiquer sa rationalité.
Vraiment ?

Quand on voit le calendrier trouvé à Coligny, dans l'Ain, datant du Ier siècle, héritage de leur savoir astronomique, ou des créations artistiques comme certaines phalères au décor géométrique d'une complexité inouïe, on n'est plus dans le domaine des tâtonnements, mais bien de travaux fondés sur des calculs, des mesures, des expériences.

Mais pourquoi, alors, rejetaient-ils l'écriture ?

Cette histoire est un malentendu résultant d'une mauvaise interprétation du texte de César. Les druides prohibaient l'écriture pour les autres, mais afin de s'en réserver l'usage exclusif ! Malheureusement, leurs textes, consignés sur des tablettes d'argile, de bois ou des papyrus, ne sont pas parvenus jusqu'à nous. Le monopole de l'écrit leur permettait de garder la haute main sur les calendriers, les archives, les contrats, les Constitutions politiques. Car leur entreprise de moralisation de la société gauloise passait par un contrôle du savoir.

De moralisation de la société ? Mais ils en étaient un des piliers, et elle était plutôt sanguinaire...

J'ai la conviction que les druides cherchaient à réduire la part de violence, à encadrer le pouvoir des aristocrates, en contrôlant le calendrier des guerres, en régulant les sacrifices humains, en installant des institutions judiciaires justes et efficaces. Ils ont aussi été les promoteurs d'une unité spirituelle entre les Celtes.

Comment ?

César raconte que les druides de toute la Gaule se réunissaient chaque année chez les Carnutes, dans le centre du pays, pour « examiner des différends ». Il ne s'agit évidemment pas de différends privés, mais de problèmes politiques et économiques : délimitation de frontières, conflits armés, péage sur une route commune... Cela prouve, contrairement à ce qu'on a dit, qu'il existait un sentiment d'appartenance à un même ensemble ethnique, dont le territoire s'étendait entre l'océan, le Rhin, les Alpes et la Méditerranée : la Gaule.

A-t-on retrouvé le lieu de cette assemblée ?

Non. Il devait se trouver dans la région d'Orléans. Il ne s'agissait pas d'une clairière dans un lieu sauvage, mais d'un sanctuaire délimité par un fossé symbolique, avec un temple en son milieu, où se dressaient des gibets et se déroulaient de grands banquets, sanctuaire semblable à celui fouillé récemment à Fesques, en Normandie. Simplement, au lieu de s'étendre sur 11 hectares, l'enclos où se tenaient ces assises « nationales » devait en englober 30 ou 50. Si bien qu'il échappe à l'oeil des photographes aériens, exercés à repérer les traces au sol d'ensembles plus modestes !

Bref, les druides se dérobent encore à nos investigations...

En partie. Mais l'Histoire a gardé trace d'au moins un d'entre eux : Diviciac. César parle de ce grand seigneur éduen qui fut un protagoniste de la guerre des Gaules. Mais c'est Cicéron, dans son traité « De la divination », écrit en 44 avant J.-C., qui nous révèle que ce Diviciac était aussi druide de formation. Quand Diviciac s'est réfugié à Rome en 63 avant J.-C., Cicéron l'a hébergé dans sa villa du mont Palatin. L'orateur romain (qui portait lui-même le titre d'augure) et le druide gaulois ont discuté de divination et des sciences de la nature. Cependant, Diviciac n'offre qu'un reflet d'un monde druidique finissant.
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Pagan
Visiteur
Date : 05/09/2006 à 18h43
Parce que les Romains, en occupant la Gaule, ont mis fin au pouvoir des druides ?

Non. Quand César est entré en Gaule, les druides, selon moi, avaient depuis longtemps amorcé leur déclin. Peut-être leur entreprise réformatrice visant à moraliser et stabiliser la vie politique avait-elle trop bien réussi, leur ôtant leur raison d'être. Surtout, la société gauloise, victime d'agressions étrangères (création de la Province romaine, invasion des Cimbres et des Teutons), s'était profondément transformée sous l'action du commerce romain et des nouvelles valeurs qu'il véhiculait. Ce n'est pas la conquête romaine qui a tué les druides, mais la romanisation des esprits qui l'a précédée

Repères
Né en 1953 dans l'Oise, fils de garagiste, Jean-Louis Brunaux est devenu archéologue en découvrant à 22 ans, près de chez lui, un sanctuaire gaulois, à Gournay-sur-Aronde. Chercheur au CNRS depuis 1984, il a dirigé, entre autres, la fouille de Ribemont-sur-Ancre (Somme), impressionnant site commémorant une bataille entre peuplades gauloises au IIIe siècle avant Jésus-Christ. Il est membre du comité scientifique de l'exposition qui se tient à Lyon jusqu'au 7 janvier, « Par Toutatis ! La religion des Gaulois ». Citons parmi ses derniers ouvrages : « Guerre et religion en Gaule » (éd. Errance, 2004) et « Les Gaulois » (Belles Lettres, 2005).

« Les druides : des philosophes chez les Barbares », de Jean-Louis Brunaux (Seuil, 379 pages, 23 E).