Histoire de Tahiti

Mlle FORORA à Kêrvreizh

À la recherche d'un continent imaginaire

L'inconnu et la quête de nouvelles richesses dans les océans encore inexplorés, pousseront les grandes nations à lancer des expéditions sur le Pacifique à partir du XVIe siècle. Si déjà en 1521 les atolls des Tuamotu sont découverts, ce n'est qu'en 1595 que le premier contact humain s'établit entre les indiens et les Européens dans cette partie de l'océan.

L'Espagnol Alvaro de Mendana sans expérience, avait une première fois en 1567, navigué vers l'Ouest et traversé la Polynésie sans rien voir de nos îles! 28 ans plus tard, Mendana réussit enfin à faire approuver une nouvelle expédition. Il prend pour second le navigateur Portugais Pedro Fernandez de Quiros.

Le 16 Juin 1595 quatre navires quittent le Pérou avec une troupe disparate de 400 individus. Ils arrivent en vue de Fatu Hiva après cinq semaines de navigation.

Premier contact historique avec les Européens, les Marquisiens découvrent avec l'homme blanc, les armes à feu. Pour marquer l'événement les Espagnols quittent l'île en laissant derrière eux 200 morts et la syphilis.

Bien sûr, les conquérants ne trouveront jamais leur Eldorado. Mendana succombe avec une grande partie de ses gens qu'il a conduits vers la misère, et un seul bateau, commandé par Quiros, atteint miraculeusement les Philippines avec 50 survivants.

En 1605, Quiros, malgré son expérience malheureuse avec Mendana, repart de Callao au Pérou, pour tenter à son tour de découvrir ces fameuses terres Australes.

Pour cela, il choisit logiquement de faire route plus au sud. Mais après des semaines de mer totalement vide, le manque d'eau et de nourriture le fait raisonnablement changer de cap vers le nord-ouest. Cette manœuvre imprévue le dirige droit sur les Tuamotu. Après avoir longé plusieurs atolls inhospitaliers il entre enfin dans le lagon de Hao le 4 février 1606.

Les indigènes accueillent aimablement les voyageurs qui débarquent des trois galions, et leur permettent de se ravitailler. Ils repartent nord-nord-ouest puis plein ouest. Sur cette longue route ils ne rencontrent que de rares îles sur lesquelles les habitants sont si hostiles qu'ils n'essaient même pas de débarquer.

L'expédition se terminera comme avec Mendana, aux Nouvelles-Hébrides. Quiros en repartira seul pour rentrer à Acapulco par le nord du Pacifique. Il faudra attendre 160 ans pour qu'un nouveau bateau espagnol revienne dans nos eaux.

Pirates et corsaires

De nombreux navires de commerce ont aussi sillonné le Pacifique au 16e,17e et 18e siècles.

En 1565 les Philippines sont annexées par l'Espagne et très régulièrement des galions font l'aller-retour avec leur cargaison entre le Mexique et Manille. Au départ d'Acapulco la traversée est faite en ligne droite entre 10° et 15° au-dessus de l'équateur. Au vent portant ils mettent une centaine de jours pour toucher Manille. Par contre face aux alizés d'Est, ils sont incapables de revenir par la même route. Les galions trouvent un autre chemin en longeant le Japon, le nord de l'océan et en redescendant la côte de Californie.

Ce va-et-vient de navires richement chargés devait exciter des convoitises et les corsaires anglais trouvent dans le Pacifique un terrain de chasse idéal.

A partir de 1698 des Français de la Rochelle et de Saint-Malo sont également présents sur cet océan où avec les anglais ils représentent un danger permanent pour les navires espagnols. Les Malouins sont les premiers Français à emprunter la route du cap Horn au lieu du détroit de Magellan, et le succès de leurs opérations encourage de plus en plus de compatriotes à faire route vers les ports sud américains. Avec le nombre, la concurrence est telle que certains vont chercher à commercer de l’autre côté de l’océan autour de 1710. Ainsi après avoir vendu au Pérou et au Chili leurs cargaisons françaises, les capitaines traversaient le Pacifique pour acheter en Chine des marchandises qu’ils revenaient vendre en Amérique. Il est aujourd’hui certain que quelques capitaines en partant d’Asie préféraient retourner en France par l’Afrique. Ce qui permet d’avancer que Bougainville ne fut pas le premier navigateur français a boucler le tour du monde (1766–1769).

A cause du caractère illicite de ce trafic de semi-contrebande, l’histoire n’a pas retenu les exploits de ces équipages du tout nouveau 18e siècle.

L'exploration scientifique

Officiellement, ce sont les Anglais qui vont ouvrir une ère nouvelle dans la seconde moitié du XVIIIe siècle avec les premières explorations scientifiques dans un Pacifique, il est vrai, toujours très mal connu en 1760.

Pourtant dès 1700, Louis XIV patronne déjà une expédition commandée par Jacques de Beauchesne qui franchit d'Est en Ouest le détroit de Magellan. Sa mission, sans doute inspirée par les succès des marchands malouins, est essentiellement d'étudier des débouchés commerciaux, mais aussi de réunir des informations. Un hydrographe, Duplessis, est du voyage pour établir le relevé des eaux et des terres visitées. Ce savant, fasciné par tout ce qu'il découvre, se révèle aussi un peintre, au talent naïf mais certain.

Sur le plan commercial, l'expédition de Beauchesne qui longe les côtes sud-américaines, ne couvre pas ses frais. Mais grâce à Duplessis, elle est beaucoup plus féconde que ce bref bilan le suggère. En peignant le milieu naturel et en dressant le relevé détaillé des détroits, baies et ports, c'est une conception nouvelle de l'exploration que son travail reflète. D'autres gouvernements comprennent alors l'importance de l'étude scientifique et, dans les expéditions suivantes, figurent des astronomes, naturalistes et ethnologues à côté de peintres. L'étude sérieuse des secrets du Pacifique commence.

Chez les Anglais, c'est le commodore John Byron qui sera le premier envoyé autour du monde par le roi d'Angleterre, et qui en 1765 longera les îles des Tuamotu sans pouvoir y mouiller.

Wallis

La découverte de Tahiti par Samuel Wallis le 17 juin 1767, reste l'événement historique le plus important de la période.

C'est à Taiarapu, au sud de l'île que le capitaine anglais mouille le Dolphin, et devra intimider les insulaires à coup de canons, tant ces derniers se montrent agressifs. Le lendemain le bâtiment se dirige vers le nord de l'île à la recherche d'un mouillage plus accueillant et le 23 juin il s'ancre en baie de Matavai.

Tout d'abord intéressés par le troc organisé par les Anglais, les milliers d'occupants des pirogues qui entourent le Dolphin se mettent soudain à lancer des pierres sur la frégate. Wallis à nouveau fait tirer du canon.

Le lendemain il envoie à terre des hommes armés pour prendre possession officielle de l'île qu'il nomme île du roi George lll. Mais toujours harcelé par les Tahitiens sur l'eau comme à terre, Wallis décide de montrer une fois pour toutes sa supériorité. Il fait tirer sur les embarcations et sur la foule à terre qui assiste au combat. Alors que de nombreuses victimes sont à déplorer, l'Anglais débarque des saboteurs qui devront détruire toutes les pirogues. Calmés, les insulaires aideront l'équipage, en échange de clous, à refaire des provisions. L'arrivée à Matavai de Purea n'est pas étrangère à cette soudaine bonne volonté des indigènes à l'égard des voyageurs. Cette chefesse de grand pouvoir, souvent improprement appelée reine, est l'épouse de Amo, chef du grand clan des Teva dont Wallis a détruit la flotte. Cet ari'i rahi sera tué par les balles des mercenaires européens de Pomare en 1793.

Purea prendra en charge jusqu'à leur appareillage, les Anglais dont elle pleurera le départ.

Bougainville

Le 2 avril 1768, soit quelques mois après le passage du Dolphin, deux navires français arrivent à Tahiti. L' Etoile et la Boudeuse, commandés par Louis-Antoine de Bougainville, relâchent dans le lagon de Hitiaa sur la côte est, pour une escale de dix jours. Partis de Nantes le 16 novembre 1766, ces bateaux gagnent le Brésil, franchissent le cap Horn pour traverser ensuite le Pacifique. A Hitiaa, Bougainville établit à terre un campement pour abriter la trentaine de scorbutiques de l'expédition, que l'utilisation de plantes médicinales doit soulager. Il semblerait que ce trop court séjour à Tahiti n'ait pas permis aux scientifiques affectés au voyage, un astronome et un naturaliste, de travailler beaucoup, et Bougainville, pourtant d'une plus grande culture que Wallis et Cook, se montrera plus sensible aux charmes de la vie quotidienne que curieux des détails du particularisme polynésien. Il sera à l'origine, dès son retour en France, de l'image idyllique de Tahiti, qu'il nomme la NouvelleCythère en prenant possession de l'île à son tour.

"Voilà le seul voyage dont la lecture m'ait inspiré du goût pour une autre contrée que la mienne" Denis Diderot

Son "Voyage" publié en 1771 devait avoir un retentissement immense et durable. Si Bougainville a laissé à Cook le mérite de percer sérieusement les mystères océaniens, il a donné aux hommes une somme de rêve et un nouveau paradis.

On lui doit également d'avoir amené à Paris le premier Tahitien que connût l'Europe, Ahutoru. Le comte d'Empire L.A.de Bougainville mourut à Paris le 30 août 1811.

Cook

Lorsque Wallis revint en Angleterre, l'Amirauté avait déjà décidé d'envoyer une nouvelle expédition dans le Pacifique pour observer, le 3 juin 1769, le transit de Vénus devant le disque solaire. Ce phénomène ne devant plus se reproduire avant 1874.

Choisi comme chef de l'expédition pour ses qualités de cartographe et ses bonnes connaissances en astronomie, indispensables au succès de l'entreprise, James Cook est un jeune officier de 39 ans inconnu de ses concitoyens. Il est chargé de conduire jusqu'à Tahiti sur un ancien navire charbonnier rebaptisé l'Endeavour, l' astronome Charles Green et deux autres savants qui doivent étudier la flore et la faune.

Si la Royal Society de Londres, la compagnie scientifique, la plus distinguée du pays, provoque l'expédition, la Marine elle, qui ne s'intéresse pas à l'astronomie, pense que le navire pourrait continuer sa route et annexer quelques terres avant l'arrivée des Français.

Pourtant, le résultat le plus important de ce voyage et des deux suivants de Cook, ne se mesure pas en termes de territoires, mais de connaissances. Patient et méthodique, contrairement à ses prédécesseurs pressés et mal organisés, il dissipa les mythes et les illusions et, au total, donna au monde un trésor longtemps recherché: la carte d'ensemble du Pacifique.

Dès son arrivée à Tahiti le 13 avril 1769, Cook commence la construction d'un fort pour protéger l'astronome et ses instruments.

Si le 3 juin les observations astronomiques prévues sont un échec faute d'appareils suffisamment précis, les naturalistes Joseph Banks et Daniel Solander en revanche, récoltent une énorme collection de nouvelles espèces de plantes, d'oiseaux, de poissons et d'insectes. Par ailleurs Cook consigne dans son journal de bord de précieuses descriptions des coutumes du pays qui permettent aujourd'hui une relative connaissance d'une culture tahitienne sans traces écrites.

Ce grand explorateur fit à nouveau escale à Matavai en 1773, 1774 et 1777 apportant chaque fois de nouvelles précisions sur la société Polynésienne.

Chronologie

• 1595 MENDANA

• 1606 QUIROS

• 1616 LEMAIRE and SCHOUTEN

• 1722 ROGGEVEEN

• 1765 BYRON

Durant ces deux siècles, aucun de ces navigateurs n'a découvert Tahiti

• 1767 17Juin: WALLIS - Découverte de Tahiti

• 1768 6 Avril. BOUGAINVILLE. Le navigateur français accoste à Hitiaa

• 1769 16 Mars. Bougainville repart à Brest en compagnie d'Ahutoru, le premier Tahitien à se rendre en Europe. Le 17 Avril, Cook accoste pour la première fois à la pointe Vénus.

• 1772 Novembre. BOENECHEA.

Le navigateur espagnol accoste à Tautira, quatre Tahitiens partent pour Lima.

• 1773 COOK. deuxième voyage, Omai part à Londres

• 1774 Boenechea reviens du Pérou avec trois Tahitiens.

• 1776 COOK.Troisième voyage, retour d'Omai

• 1779 Cook est tué à Hawaii

• 1789 Mutinerie de la Bounty

• 1791 Vancouver arrive à Tahiti

• 1792 Retour de Bligh

• 1797 Arrivée de JamesWILSON. Conversion de la population au christianisme, Fin de la période

Les mercenaires du Bounty

Le compagnon de Cook, Joseph Banks, devenu président de la Royal Society de Londres, choisit le jardinier David Nelson pour accompagner William Bligh dans sa lointaine mission. Le but de l'expédition est de collecter des plants d'arbre à pain et de les transplanter aux Antilles anglaises. Ces hommes ont également déjà été à Tahiti en 1777 avec le capitaine Cook. La plus célèbre mutinerie de l'histoire dont fut victime Bligh à titre de commandant du Bounty ne sera pas à nouveau contée ici. Cependant, si les auteurs de livres et de films ne se sont pas montrés tendres pour cet énergique meneur d'hommes, ils ne dirent rien de l'importance capitale de cet épisode dans l'histoire de Tahiti.

Nous savons en effet qu'au cours de son séjour de cinq mois en 1789 et avant la mutinerie, l'équipage a exercé une profonde influence sur la population tahitienne.

Après l'abandon de Bligh et de ses fidèles en haute mer, Fletcher Christian et les 24 marins, dont certains contraints malgré eux de rester à bord à cause de leur qualification professionnelle, tentèrent de s'installer à Tubuai dans les Australes. Toutefois cette implantation ne fût pas possible à cause de l'opposition des habitants. Christian décidera donc de partir à la découverte d'une autre île après un retour à Tahiti pour y débarquer ceux qui ont choisi d'y retourner malgré le risque évident d'y être retrouvés facilement par les autorités anglaises. Avec seulement huit compagnons et quelques Tahitiens, Christian fondera la population de Pitcairn.

Les 16 marins restés à Tahiti, plus un homme débarqué entre temps par un capitaine anglais de passage, vont, grâce à leur participation militaire et à leurs armes, changer le cours de l'histoire tahitienne.

Lors de son dernier voyage plus de dix ans auparavant, Cook avait déjà apporté son appui à un jeune chef, Tu, dans ses conflits avec d'autres chefferies. Si bien qu'à l'époque des mutins, le futur Pomare est le numéro un de Tahiti. Reçus par Bligh à bord du Bounty, couverts de cadeaux, Tu devenu Tina et son épouse Itia, sont jalousés par tous les autres chefs des faveurs dont ils jouissent. Le départ de Bligh va évidemment désespérer le couple "royal" qui redoute une vengeance rivale. On comprend alors très bien avec quel intérêt Tina, qui une fois encore a changé son nom et s'appelle désormais Mate, voit revenir les Anglais et leurs mousquets. Il y a longtemps qu'il a compris qu'avec quelques mercenaires européens il pourra devenir le maître de toute l'île en se faisant respecter. Pourtant, à part deux ou trois brutes qui finiront par s'entretuer, les mutins préfèrent se mettre aussitôt à construire une goélette pour quitter l'île, plutôt que de se mêler de guerre comme le leur demande Mate. En avril 1790, ils se contentent de fournir les mousquets qui permettront de conquérir Moorea. Les anglais interviennent une première fois directement contre les gens de Faaa qui, effrayés par leur apparition dans la batailleuse retirent dans le plus grand désordre. Réalisant alors qu'ils se sont fait beaucoup d'ennemis et redoutant leur propre destruction si les armées adverses gagnaient, les mercenaires s'engagent à fond pour Ari'ipaea le frère de Mate. Après 'plusieurs autres combats d'où Mate sort grandi sans jamais y avoir participé, la paix est accordée aux vaincus à condition qu'ils reconnaissent la souveraineté de celui qui prendra le premier le nom de Pomare, et qu'ils lui remettent le maro ura. Cette ceinture royale sert à investir le jeune Tu, fils de Mate, du pouvoir suprême au cour des cérémonies d'investiture sur les marae, en présence des ari'i perdants.

Pour les hommes du Bounty cette fin des hostilités coïncide avec l'arrivée soudaine d'un navire anglais, le Pandora, venu les chercher. Les mercenaires pris de panique s'enfuient se cacher dans les montagnes et d'autres prennent le large à bord de leur goélette. Ils seront tous capturés et embarqués pour l'Angleterre où les attendent leurs juges.

Les Pomare et la fin de l'ancienne société

L'ingérence, dans les affaires tahitiennes, des antagonistes Anglais et Français, assoiffés de nouvelles colonies, est aussi indissociable de l'histoire de Tahiti que le nom de Pomare.

C'est en effet l'association armée entre un chef de district et des étrangers, qui aurait favorisée la position politique occupée par le premier Pomare.

Avant l'arrivée des Européens, les Teva, sorte de fédération dont le nom récent est utilisé pour désigner l'ancienne dynastie qui ne portait pas de nom patronymique, étaient réunis autour du grand chef de Papara et possédaient le pouvoir absolu.

Mais affaiblis par des guerres contre d'autres puissantes chefferies, les Teva se seraient vu dominés par les Pomare aidés d'armes européennes.

Laissons ce débat sur la légitimité du pouvoir qui oppose deux grandes familles royales, mais notons quand même qu'à l'arrivée de Cook, Tu, le futur Pomare I n'est encore qu'un chef de district dont le rang dans l'aristocratie est inférieur à celui des chefs de Papara. En outre il essaye de cacher son origine Tuamotu qui reste pour lui une tare, les Paumotu étant considérés par les Tahitiens comme inférieurs.

Pourtant grâce à l'importance que l'on attachait à l'époque à la généalogie, Pomare put revendiquer un pouvoir supérieur, dû à l'étendue de son réseau de parenté dans les îles de la Société.

Pomare II, son fils, roi en 1815, intelligent et ouvert, voit l'intérêt que représente politiquement pour lui le commerce anglais et la puissance missionnaire. Dès 1812 il demandait le baptême, abandonnant ses dieux traditionnels. Jusqu'à son règne de despote, devait avoir lieu une véritable guerre de religion achevée par la bataille de Fei pi en 1815, donnant la victoire aux convertis chrétiens.

Cette défaite des traditionalistes, marqua la fin théorique de l'ancienne société par la domination définitive des popaa et des Pomare. Ainsi disparaissaient les Arii, prêtres et savants, idoles et outils primitifs.

En 1813 naît Aimata que son père veut élever dans la religion nouvelle.

Son éducation n'intéresse pourtant pas les missionnaires qui portent tous leurs soins sur son frère cadet, le prince Pomare III. Pour mieux s'assurer de lui, les Anglais l'ont fait sacrer très jeune, mais le petit roi meurt 6 ans plus tard. Aimata lui succède à 14 ans malgré la réticence des missionnaires qui ne peuvent faire un autre choix. Elle est de mœurs fort légères et ses tuteurs puritains bâclent à la sauvette son sacre en janvier 1827.

Devenue la reine Pomare Vahine IV elle devait être la plus illustre souveraine de Tahiti en régnant un demi siècle sur cette nouvelle société. A sa mort en 1877, l'un de ses fils lui succède et devient Pomare V. Ce roi qui fera don de ses îles à la France en 1880, meurt l'année de l'arrivée de Gauguin à Tahiti, en 1891. Avec lui s'éteint la dynastie des Pomare.

Son épouse Marau Salmon, sang-mêlé demi juive, demi tahitienne fut, sans en occuper les fonctions, la dernière reine de Tahiti. Artiste et cultivée, les historiens de l'Océanie lui doivent des écrits intéressants sur les temps anciens. Elle mourut à Papeete le 2 février 1934.

La guerre franco tahitienne

Sous le règne de Pomaré Vahine IV, alors que la tentative d'installation catholique à Tahiti tournait en lutte d'influence entre Anglais et Français, un homme joua un très grand rôle dans le déroulement de l'histoire de Tahiti. Le pasteur George Pritchard, missionnaire de la London Missionary Society, arrive en 1824 et remplit les fonctions de consul d'Angleterre à partir de 1837. D'une grande influence sur la reine, Pritchard encourage Pomare IV, fidèle par ailleurs aux protestants, à demander dès 1838 le protectorat anglais.

En 1842, l'amiral Dupetit-Thouars, après son anneyion des Marquises par la France, arrive à Tahiti. Pritchard est à Londres pour proposer le protectorat de Tahiti et la reine s'est retirée à Moorea.

En l'absence de celle-ci, l'amiral organise avec le consul de France Moerenhout, la signature, par le régent Paraita et les principaux chefs pro-français, d'une requête de protection.

Diverses menaces persuaderont la reine d'ajouter son seing, et le protectorat sera proclamé le 9 septembre 1842.

En 1843 la ratification de ce protectorat par Louis-Philippe arrive à Papeete et Armand Bruat est nommé gouverneur des Marquises. En fait il installera sa résidence à Tahiti pour des raisons pratiques.

C'est un stupide incident qui fut à l'origine de la situation extrêmement embrouillée et explosive que laisse Dupetit-Thouars à ce premier gouverneur en quittant Tahiti.

En interdisant à la reine de laisser flotter sur son palais un pavillon personnel, l'amiral provoque une crise lorsqu'il impose par la force armée son remplacement par le drapeau officiel du protectorat. Sentant sa souveraineté violée, Pomaré proteste auprès du roi de France et Pritchard espère une réaction de l'Angleterre. La présence d'un navire anglais à Papeete lui permet d'ailleurs de laisser croire à la reine et à la population que d'autres bâtiments de guerre vont pour les aider.

Pourtant si un autre bateau anglais, le Basilisk, mouille en rade début 1844, ce n'est pas la guerre qu'il apporte mais des messages pour Pritchard et pour le commandant du navire arrivé avant l'annexion. Le gouvernement anglais leur demande de ne rien faire contre la prise et l'exercice du protectorat par les Français. Tandis que le commandant reçoit l'ordre de quitter immédiatement Tahiti, il est demandé à Pritchard de recommander à la reine la prudence et, pour lui-mème, d'observer les plus grands égards envers les autorités françaises. Il estime inutile d'informer Pomare du contenu de la dépêche, bien au contraire, puisque très rapidement commence à circuler dans les districts une lettre signée de la reine. Elle assure ses sujets que l'Angleterre ne les abandonnera jamais, que le vaisseau anglais est parti chercher des renforts et que celui qui reste les protège. Elle ordonne surtout de supporter patiemment les Français et de ne pas les maltraiter jusqu'à l'arrivée des nouvelles.

Bien entendu la lettre provoque l'effet inverse, et Pomare craignant pour sa sécurité se réfugie avec sa famille à bord du Basilisk.

C'est du côté de la presqu'île que souffle d'abord le vent de la révolte.

Bruat fait construire un fortin à Taravao tandis que les chefs de Taiarapu rassemblent 2000 hommes.

Durant cette période de face à face tendu, Pritchard est arrêté à Papeete, puis expulsé le 13 mars 1844.

Les premières escarmouches se produisent à Taravao quelques jours plus tard et le mois suivant le gouverneur engage 400 hommes dans un débarquement sanglant sur la côte est. Cette bataille sur la plage de Mahaena, fut le début d'une guérilla qui devait durer 3 ans. Ce jour-là l'opposition tahitienne compte 102 morts et les Français 15.

Les Tahitiens conscients du risque de tels affrontements, installent plusieurs camps retranchés dans les hautes vallées de l'ile, d'où ils lancent des actions de harcèlement contre les postes français.

Alors que la reine part pour Raiatea, les combats s'étendent aux îles-Sous-leVent.

Enfin le 17 décembre 1846 la prise du fort de Fautaua par les Français rétablira la paix.

Pomare IV finira par se rallier, et le 7janvier 1847 sera célébré l'accord entre les chefs et le gouvernement français.

Cependant Bruat ne réussit pas à inclure les îles-Sous-le-Vent, reconnues indépendantes en juin 1847.

Le successeur de la reine, son fils Pomare V fera finalement don de ses États à la France le 29 juin 1880.

L'archipel des Gambier sous protectorat depuis 1844 sera annexé en 1881, Huahine en 1897 et, l'archipel des Australes sous protectorat en 1889 deviendra colonie en 1900.

Tahiti et les archipels prennent le nom d'Établissements Français de l'Océanie en 1885. Si Papeete s'adapte alors à l'administration coloniale, dans les îles et les districts, on continue à vivre à la manière ancestrale.

Les Établissements Français de l'Océanie

Avec le Protectorat, la structure essentielle de l'administration tahitienne se compose de la cour royale, de l'Assemblée et des conseils de districts. L'autorité française elle, est représentée par le gouverneur, assisté de divers officiers et fonctionnaires.

En 1866 l'Assemblée législative tahitienne vote l'introduction de la législation française proposée par le gouverneur. Dans ce Tahiti de 8 000 habitants décimé par la tuberculose, cette décision prise par les chefs coutumiers est certainement l'événement le plus important de la période, avant l'abdication du dernier roi le 29 juin 1880.

Si jusqu'à 1880 la France n'exerce vraiment sa souveraineté que sur les Marquises, c'est la totalité des archipels qui sera intégrée à son empire au début du XXsiècle. Aux îles-sous-le-vent d'ailleurs, cette intégration ne se fera qu'à l'issue d'une longue situation insurrectionnelle de 1889 à 1897.

Papeete qui n'est alors qu'un village, s'endort sous la lourdeur de son administration. Immobile, mélancolique, aux maisons dispersées, la capitale enfouie sous la verdure compte 4 000 habitants dont les 95 % sont français. L'isolement et l'absence de saisons sécrètent l'ennui, et les fonctionnaires désoeuvrés passent leur temps au Cercle colonial où les cancans vont bon train. Totalement séparés des Tahitiens, ils méprisent la communauté des petits blancs, ces quelques centaines de colons qui se débattent dans des difficultés matérielles insurmontables. Ces colons français, surtout issus de l'armée ou de la marine, n'ont aucun moyen financier lorsqu'ils choisissent de rester sur place après leur démobilisation. Quelques-uns dont les compagnes Tahitiennes ont des terres, se lancent dans des cultures avec lesquelles ils ne réussissent qu'à survivre.

Les Anglais, Américains et Allemands, en plus petits nombres, viennent d'un milieu social plus favorisé et disposent souvent de capitaux. Certains se sont alliés par le mariage à la noblesse Polynésienne qui leur apporte des terres et de la main-d'oeuvre. C'est ainsi que les premiers, les Salmon, Laharrague, Brander et Hort, contrôlent le commerce local.

La France qui constate le peu d"'efficacité" de la "Société française de colonisation" qui devait promouvoir l'installation de colons sans toutefois être en mesure de leur promettre des terres, autorise le recrutement dans le Pacifique de travailleurs Océaniens.

S'installent alors de petites communautés de Mélanésiens, de Gilbertins, de Atiu et de Pascuans qui s'ajoutent aux chinois.

Les chinois, qui fuient la Chine du sud misérable, arrivent pour la première fois peu nombreux, en 1856 à Tahiti et seront employés sur les plantations de coton des Marquises. Mais c'est en 1865 que l'immigration chinoise devient réellement importante. La Compagnie Agricole de Tahiti a en effet recours à ces "coolies" pour pallier le manque de main-d’œuvre de la colonie.

Ces travailleurs ont souscrit un engagement de 7 ans avec les dirigeants de "la grande plantation" de coton et de café d'Atimaono.

Si la plantation de William Stewart le directeur, est prospère pendant toute la durée de la guerre de Sécession aux États-Unis, à la fin de celle-ci les cours du coton s'effondrent et Atimaono glisse vers la faillite. Les autorités craignent alors que les chinois débauchés ne portent le désordre en se répandant dans le pays. En fait peu de coolies s'installent effectivement à Tahiti, la plupart d'entre eux préfèrent retourner en Chine ou sur les côtes du Pacifique. Il faudra attendre 1907 pour que reprennent les immigrations en provenance de la Chine continentale.

Ce sont les chinois issus de cette deuxième vague et de celles des années 20 qui deviendront des négociants prospères.

Entre 1964 et 1973 la métropole va peu à peu accorder la nationalisation française à tous ces citoyens chinois.

V° siècle

Premières migrations des polynésiens, principalement à partir des îles Marquises et de la Société .

1595

Mendaña découvre le groupe sud des Marquises

1767

Samuel Wallis découvre Tahiti

1768

Bougainville prend possession de l'île au nom du roi de France et la baptise "Nouvelle Cythère"

1769

Cook passe trois mois dans la baie de Matavai

1772-1775

les missionnaires espagnols débarquent en Polynésie

1788

Mutinerie de "la Bounty"

1790

Pomaré 1er conquiert toute l'île avec l'aide de mercenaires

1791

In Graham découvre le groupe nord des Marquises . Vancouver s'arrête à Tahiti

1797

Les premiers missionnaires protestants débarquent à Tahiti

1803

Mort de Pomaré 1er

1808-1815

Pomaré II, avec l'aide des missionnaires, défait les derniers païens. Les marae sont détruits et les tahitiens se convertissent.

1818

Cook fonde Papeete.

1819

Promulgation du code Pomaré.

1821

Mort de Pomaré II .

1827

Mort subite de Pomaré III. Sa soeur devient reine sous le nom de Pomare IV.

1834

Mission catholique à Mangareva.

1836

Les premiers missionnaires français sont expulsés de Tahiti.

1842

L' amiral français Dupetit-Thouars oblige la reine à signer un traité de protectorat sur Tahiti et Moorea.

1852

Départ des missionnaires anglais.

1877

Mort de la reine Pomaré IV après cinquante ans de règne.

29/06/1880

Pomaré V fait don à la France de ses territoires, qui deviennent les Etablissements Français d'Océanie.

1880

Deuxième vague d'immigration chinoise

1887

Annexion française des îles sous le vent.

1889

Protectorat français sur Rurutu (Australes)

1902

La France annexe les îles australes.

1903

Un cyclone aux Tuamotu fait cinq cents morts.

1914

Première guerre mondiale. deux croiseurs allemands bombardent Papeete le 22/12/1914

1916

Mille Polynésiens sont incorporés dans le Bataillon du Pacifique

1918

Epidémie de grippe espagnole qui décime les îles de la Société.

02/09/1940

Les Etablissements Français d'Océanie se rallient à la France libre.

1941-1945

Participation du Bataillon du Pacifique à la Seconde Guerre Mondiale.

22/06/1947

Début d'une nouvelle ère politique à la suite d'émeutes visant à repousser le débarquement de nouveaux fonctionnaires.

1957

Les archipels prennent le nom de Polynésie française.

1959

La Polynésie devient un territoire français d'outre-mer.

20/10/1959

Procès du leader autonomiste Pouvanaa.

15/10/1960

Inauguration de l'aéroport international de Faa'a.

1963

Installation du Centre d'Expérimentation nucléaire du Pacifique.

1964

Les chinois de Polynésie obtiennent la nationalité française.

1977

Nouveau statut : autonomie de gestion.

28/11/1980

le tahitien devient langue officiel.

1984

Statut d'autonomie interne.

08/04/1992

Suspension des essais nucléaires.

27/01/1993

Accord cadre du Pacte de Progrès.

24/01/1994

Loi d'orientation pour le développement économique, social et culturel.

08/05/1995

Reprise des essais nucléaires.

1996

Arrêt définitif des essais nucléaires .Démantèlement de Mururoa.

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Yann-Ber TILLENON. KERVREIZH.