Six Principes philosophiques à l'usage de l'Emsaver

par Yann-Ber TILLENON


Voici six principes auxquels un Emsaver, donc un philosophe, peut adhérer pour construire un nouveau pays:

 

 

 

1/ Le premier principe est romain, c’est le refus de tout dogmatisme divin et la perception du sacré comme polysémique. La philosophie digne de ce nom, qu’elle soit européenne ou orientale, a toujours refusé de se confondre avec une théologie qui définirait dogmatiquement les attributs ou les enseignements d’un Dieu ou de plusieurs divinités. Varron, l’encyclopédiste et officier de marine ami de Cicéron, , avait, à cet égard, une intéressante théorie qui procédait de Panaitios de Rhodes.

 

 

 

Ii distinguait trois types de « dieux », plus exactement trois niveau d’objectivation et de perception de la divinité. D’abord les dieux chantés par les poètes et les tragédiens, comme Bacchus qui naît de la cuisse de Jupiter, Minerve de sa tête fendue par Vulcain, ou Saturne qui dévore ses propres enfants. Tout cela constitue la théologie mythique, qui s’efforce, par le symbole et l’allégorie, de tirer un enseignement vrai de ces légendes ou fictions. Par exemple, Saturne ( Kronos, en grec) qui mange ses enfants signifie que le Temps (par un jeu de mot avec Chronos, le temps) consume tout ce qu’il engendre.

 

 

  

Au dessus, se tient la théologie civile. : les dieux célébrés par le culte public, les divinités patronnes des cités, tutélaires et protectrices, aux mains des pontifes, dont le but est tout simplement la sacralisation de la patrie Par exemple Hercule à Rome, Athéna à Athènes, etc.(À cause de cela, les chrétiens, qui refuseront ce culte, seront jugés « impies », c’est-à-dire anti-patriotes.

 

 

 

Au-dessus, se tient la théologie naturelle, qui implique les dieux des philosophes et des savants, qui sont des entités métaphysiques. Cette théologie naturelle ne convient pas au gouvernements des États ni au petit peuple superstitieux, mais seulement à l’élite spirituelle. Pour Panaitios comme pour Varron, il y a une âme du monde, régissant le cosmos par la raison universelle, dont la raison humaine n’est qu’une reproduction.

 

 

 

2/ Le deuxième principe est égyptien et celto druidique, c’est celui de la reconnaissance d’une force supérieure inconnue.

Le fait d’essayer de la définir exactement est une tâche perdue d’avance. . Mais c’est une force inspirante ; toutes les religions l’ont pressentie sans pouvoir vraiment en formuler la forme, du paganisme celtique au bouddhisme, en passant par l’hindouisme, sans parler du christianisme. Les Égyptiens anciens avaient le culte impératif des morts. L’idée est qu’au-dessus de l’homme, il y a « quelque chose » sans qu’on puisse préciser quoi. L’idée est que chez l’homme, ou du moins chez certains hommes, il existe une âme, un élément spirituel, à la fois lié au corps et distinct de lui et qui, donc, subsisterait après la mort physique.

 

 

 

3/ Le troisième principe est stoïcien : c’est celui de l’harmonie politique et morale. La société humaine doit être la reproduction de l’ordre naturel et respecter à la fois l’ordre social et l’ordre naturel, qui sont en perspective l’un avec l’autre. Pour le romancier anglais George Orwell, auteur de 1984, roman prémonitoire, il existe chez les gens simples du peuple une « honnêteté ordinaire » ( common decency). Cette idée résume fort bien un des principes centraux du stoïcisme que l’on pourrait résumer ainsi : cette honnêteté ordinaire s’exprime, pour les stoïciens, sous la forme d’un penchant naturel à faire de bonnes actions ( ce qui n’a rien à voir avec l’absolutisation du Bien, dont nous reparlerons plus bas). Il sert de critère au juste et à l’injuste, au décent et à l’indécent, avant même toute éducation éthique et tout apprentissage de règles morales.

 

 

 

Il s’agit d’une sorte de moralité naturelle, qui s’exprime spontanément sans faire appel à des principes ou à des dogmes, qu’ils soient religieux ou politiques. L’homme ordinaire sain n’a pas besoin de se tourner vers certaines autorités pour agir moralement et avec droiture. Il possède en lui-même une faculté sensible d’évaluation morale qui précède toute norme conventionnelle. Ce qu’on pourrait appeler les “vertus populaires”. Les notions d’« honnêteté » au XVIIe siècle ou de « sens commun » dans la philosophie médiévale peuvent aussi êtres évoqués.

 

 

 

4/ Le quatrième principe est épicurien et concerne le mode de vie, c’est-à-dire la définition du bonheur personnel.

Le bonheur ne dépend pas de l’accumulation des richesses pour un usage personnel, mais de leur bonne utilisation, pour un usage conforme à son propre idéal. Le bonheur n’est pas lié à la matérialité somptueuse, mais à la simple suffisance de ses besoins de base Le luxe ne doit pas être condamné pour lui-même, mais seulement s’il provoque la dispersion d’énergie au profit d’activités non-créatrices.

 

 

 

Néanmoins, une personne sans talent qui veut s’adonner au luxe fastueux ne mérite pas d’être condamné, car ses dépenses feront travailler beaucoup de gens. En ce sens, la richesse ostentatoire ne peut être méprisé. Elle n’apportera jamais le bonheur, mais peu d’hommes sont doués pour le bonheur. Seuls les créateurs, les artistes, les philosophes, sont vraiment heureux, car leur bonheur est spirituel, intériorisé et non pas matériel et socialement extériorisé... Le philosophe et l’artiste ont besoin d’un minimum pour vivre. Ce n’est pas parce qu’ils méprisent les richesses, mais parce qu’ils n’en ressentent pas le besoin.

 

 

 

Le véritable créateur ne peut être qu’une sorte d’ascète, détaché des biens matériels excessifs qui pense que le plaisir est d’abord intérieur . Le véritable créateur recherche le bonheur plus que le bien-être, mais ne méprise jamais et ne jalouse jamais le matérialisme de ses semblables.

 

 

 

5/ Le cinquième principe est platonicien, c‘est celui de la sélection des meilleurs, quelle que soient leurs origines. Platon avait anticipé Darwin, Spencer et la sélection naturelle. La sélection par les aptitudes doit être organisé par l’État. Et les dirigeants de l’État doivent posséder une conscience philosophique, c’est-à-dire à la foi la connaissance et le souci de l’excellence (…)

 

 

 

6/ Le sixième principe est aristotélicien, c’est celui de la rationalité mentale et politique.

Toute organisation ou État humain doit être organisé selon des principes de bon sens, c’est-à-dire de raison, loin des fantasmes idéologiques ou rêveries religieuses. Par exemple, il ne faut pas trop mélanger des peuples différents dans une même organisation politique, dans une même Cité, car cela débouche sur la guerre civile. Le Bien et le Mal. n’existent pas, en soi comme des universaux, et fonder une doctrine ou une action politique sur le Bien débouche paradoxalement sur une attitude tyrannique, par diabolisation de tout adversaire qui représente forcément alors le Mal absolu à détruire (Le bolcho, le monarcho, l'anarcho, le facho etc....).

Yann-Ber Tillenon