LES LIENS ENTRE LA PHILOSOPHIE ET LA POLITIQUE.

 

 

 

Yann-Ber TILLENON

 

 

Le « druidisme » ou la « philosophie classique » s’applique à tous les domaines de la vie, qu’elle transcende et traverse comme un axe. : Pensées, actes artistiques, activités sociales, scientifiques ou politiques. La philosophie classique peut être définie par la recherche de la sagesse, à la fois dans la connaissance, et dans l’action, afin d’appliquer concrètement cette sagesse (savoir, connaissance).

 

 

 

 

Appliquée à la société, dans l’esprit de la philosophie classique, cette sagesse se nomme politique ; appliquée aux soins physiques, elle se nomme thérapeutique ; appliquée à reproduire la beauté, elle se nomme artistique. Pour les Anciens, l’application de la sagesse/savoir en soi-même et par projection dans son environnement était indissociable.

 

 

Pour eux, la philosophie était la mère de toutes les activités humaines et de tous les idéaux. Car, à travers des chemins différents, les hommes recherchent la sagesse et son application : le but de cette quête est de trouver un bonheur intérieur qui ne dépende d’aucune circonstance extérieure, ce que les Grecs appelaient eudemonia (eudémonisme), ou « bonheur des philosophes ».

 

 

 

LE SAGE, LE CITOYEN, L’HOMME MORAL.

 

Les Grecs qui furent repris par les philosophes de la Renaissance puis du XVIIIe siècle admettaient que les hommes évoluent dans trois sphères complémentaires et interdépendantes.

 

1)    le macrocosme.

 

C’est le cercle métaphysique, le domaine de l’univers, de l’État, de la tête, le premier cercle, centre de la croix druidique, de la nature et de ses lois. C’est pour l’Emsaver le cercle de l’Emsav, donc de « Breizh ». Là doivent règner le Bon, le Beau et le Juste en breton moderne. Kosmos signifie en grec « ce qui est bien peigné, soigné », comme une chevelure somptueuse, donc « ordre et beauté », caractéristique même du cosmos, de l’Univers. « Kosmos » a donné « cosmétique » en français… Le macrocosme est en relation directe avec l’Idéal philosophique et celui-ci est un reflet de l’Ordre universel. Cet Idéal philosophique de l’Emsav est donc d’atteindre à la Sagesse universelle, celle-là même qui anime l’Univers. Comprendre la Nature et savoir faire le Bon, le Beau, le Juste sont donc une seule et même démarche. Cet idéal et ce défi sont le propre de celui  que l’on peut nommer le Sage (druide, vrai savant…) qui doit œuvrer dans l’État, dans l’État philosophique, c’est-à-dire la Polis, la Cité, l’État qui incarne l’ordre, l’ordre cosmique.

 

 

2)    le mésocosme.

 

C’est le cercle psychique, le “ cosmos moyen”, le cœur, le cosmos intermédiaire de la société, aujourd’hui française en province de « Bretagne » parce que dirigé par l’État français. c’est deuxième cercle de la croix druidique, entre le territoire et l’État. C’est  la sphère sociale, celle de la vie des hommes en groupe, la vie publique, l’organisation humaine. Cet espace est aussi intermédiaire entre la Nature et la vie humaine individuelle. Il est représenté par l’Idéal politique. Ce dernier consiste à appliquer la Philosophie de l’État à la vie sociale et à la Cité par l’activité politique, de manière à ce que la Cité soit comme l’État, un reflet de l’Univers, de son ordre et de sa beauté. En ce sens, la politique, selon la tradition philosophique, consiste à rendre la Cité harmonieuse, comme l’est l’État incarnant le cosmos, et qu’y règne la Justice, qu’y prévale le Bien public sur l’intérêt individuel, la sécurité sur l’insécurité, l’ordre sur le désordre, la loi sur le bon plaisir. Cet idéal est incarné par la figure du Citoyen.

 

3)    le microcosme.

 

 

C’est le cercle physique et privée de l’homme individuel, du territoire, du corps, aujourd’hui francisé, nommé « Bretagne », c’est troisième cercle extérieur de la croix druidique  qui, lui aussi, doit être intérieurement organisé selon le principe d’harmonie, comme le cosmos et « Breizh », la Cité idéale. Cet « homme intérieur » selon sa dénomination grecque peut être assimilé à l’homme moral, nommé honnête homme aux XVIIe et XVIIIe siècles. Il s’efforce d’agir dans sa vie privée, même dans l’intimité, en fonction des principes harmoniques du cosmos, le juste (politique), le Bon (théologique), le Beau (artistique), le Vrai (scientifique). Il est seul face à sa conscience.

 

On voit là la supériorité morale de cette attitude, fondamentalement autonome et volontariste, sur l’éthique des religions monothéistes révélées où l‘homme ne s’efforce vers le Bien que sur injonction autoritaire d’une Divinité et par crainte d’une punition. Pour la philosophie classique de l’Antiquité, au contraire, l’homme moral agit sans témoins, sans espérer de récompense extérieure venant d’un Dieu, mais par simple force intérieure. Il agit face à face avec sa propre conscience.

 

 

 

 

Ainsi, seul, il sera un bon Citoyen, digne d’exercer des charges politiques, l’homme moral au sens philosophique du terme.

 

IDÉAL PHILOSOPHIQUE ET IDÉAL POLITIQUE.

 

Les deux doivent êtres absolument complémentaires. Un axe (la philosophie) relie donc la vie individuelle, la vie collective et la vie universelle, le Moi, la Cité et le Cosmos.

 

Ces trois dimensions son interdépendantes et il serait parfaitement contradictoire de vouloir en choisir une au détriment des autres, comme on ne peut choisir dans une figure géométrique la largeur sans tenir compte de la hauteur et de la profondeur. Par exemple, un homme qui n’applique pas certains principes dans sa conduite privée et dans ses pensées ne peut prétendre les appliquer dans la sphère politique et dans sa vie de citoyen. De même un homme qui développe des conceptions ou doctrines, qui parle de certaines valeurs, n’émet que du vent s’il ne se les applique pas à lui-même. Toute valeur ou idée qui n’est pas vécue concrètement et quotidiennement par celui qui la profère n’est que du bavardage inutile.

 

Il ne doit pas y avoir séparation mais unité entre l’être intérieur et l’être social et politique, comme il existe une unité entre la Nature, la Cité et l’individu.

 

La civilisation occidentale actuelle, par son individualisme fondé sur le « salut individuel » a oublié le fait que l’homme est un être social et, de plus, interdépendant avec la nature. D’où les catastrophiques disharmonies que l’on observe. C’est la prévalence du désir individuel à court terme (maximisation consumériste des plaisirs) qui provoque tous les désordres que nous connaissons aujourd’hui, par exemples écologiques mais aussi sociaux.

 

 

 

 

Nul n’est autosuffisant : chacun est né d’une lignée, a besoin d’être éduqué et de vivre au sein d’un groupe humain. L’homme dépend à la fois de la société et de la Nature, la société dépend à la fois de l’individu et de la Nature. Faire prévaloir le désir et le bon plaisir individuel sur le pacte social est une voie terriblement erronée de recherche du bonheur. À terme cela débouche sur le malheur collectif, c’est-à-dire le désordre, l’injustice et la violence, alors que c’était le bonheur individuel qui était recherché ; mais il l’était selon une mauvaise voie, contraire à celle de l’eudemonia.

 

 

Le problème qui se pose est : comment concilier la recherche individuelle de ce bonheur avec le bien collectif et la coexistence avec autrui ? Peut-on chercher son propre bonheur en essayant de coexister avec les autres, en étant un bon citoyen ? Quels comportements et quelles actions permettent en même temps de réaliser son propre bonheur et son propre développement tout en vivant en harmonie avec les autres et en contribuant au bien de la Cité ? De quelle manière concilier son intérêt particulier avec l’intérêt général ? C’est l’interrogation centrale qui permet d’établir un lien entre philosophie et politique !...

 

 

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Yann-Ber Tillenon